Quarante ans après sa parution, Le Matou d’Yves Beauchemin fait une entrée remarquée sur les planches sous la forme d’une comédie musicale. Créée en octobre dernier au Grand Théâtre de Québec, cette adaptation ambitieuse sillonne désormais le Québec. Un pari audacieux qui entend conjuguer patrimoine littéraire et art populaire.
L’adaptation scénique du célèbre roman, vendue à plus de 1,5 million d’exemplaires depuis sa sortie en 1981, est signée Jessy Brouillard, qui assure à la fois livret, paroles et musique. La mise en scène est confiée à Joël Legendre, figure bien connue du théâtre et de la télévision québécoise. Le récit, fidèle à l’intrigue originale, suit Élise et Florent, un jeune couple montréalais qui rêve d’ouvrir son propre restaurant. Leur parcours est semé d’embûches, à commencer par la rencontre avec le fourbe Ratablavasky, personnage manipulateur dont la perfidie bouleversera leur vie.
Une distribution solide et une direction artistique soignée
La production réunit sur scène une vingtaine d’interprètes, dont Matthieu Lévesque dans le rôle de Florent, Audrey-Louise Beauséjour en Élise, et le jeune Eliot Dupras, salué par la critique pour son interprétation sensible de Monsieur Émile. Mentionnons également les présences de Martin Larocque, Marilou Morin, Alain Dumas et Luis Oliva dans des rôles secondaires.
Si certains passages du spectacle peinent à maintenir le rythme — notamment dans un premier acte jugé inégal —, plusieurs critiques reconnaissent la qualité d’exécution et l’énergie du plateau. « Ce minet retombe tout de même sur ses pattes grâce au talent de ses têtes d’affiche », titrait récemment Le Journal de Montréal, en référence au surnom du roman. Le quotidien notait toutefois une mise en scène parfois trop sage au regard de la densité du texte original.
Une transposition chantée qui divise
Adapter une œuvre aussi emblématique n’allait pas sans risques. La structure en comédie musicale, oscillant entre récit intime et fresque sociale, a suscité des réactions contrastées. Certains spectateurs, notamment les lecteurs fidèles du roman, reprochent à l’adaptation scénique de gommer certaines nuances psychologiques du récit. D’autres saluent au contraire le choix d’une forme populaire pour raviver l’intérêt autour d’un classique québécois.
Du côté de la production, on défend une volonté de rendre l’histoire plus accessible à un large public, en insistant sur ses dimensions humaines, universelles. « On veut que les gens redécouvrent Le Matou, même ceux qui n’auraient jamais lu le livre », explique Joël Legendre. « Le théâtre musical permet de réinventer cette histoire en lui donnant une portée nouvelle. »
Un projet à la croisée des générations
Le spectacle, qui poursuit sa tournée à travers la province tout au long de 2025, fait salle comble dans plusieurs villes, confirmant un appétit réel du public pour les adaptations scéniques du patrimoine littéraire québécois. De Rimouski à Trois-Rivières, en passant par Sherbrooke et Saguenay, Le Matou attire aussi bien les nostalgiques du roman que de jeunes spectateurs curieux.
Yves Beauchemin, qui a assisté à plusieurs représentations, a exprimé sa fierté de voir son œuvre revivre sur scène : « J’ai été très touché. C’est une autre manière de raconter cette histoire, et elle le mérite. »