Ibrahim Maalouf attaque le festival de Deauville qui l’a évincé du jury en 2024

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Elen Nivrae

Ibrahim Maalouf a décidé de porter l’affaire devant la justice. Le trompettiste franco-libanais assigne le festival du cinéma américain de Deauville pour rupture de contrat, neuf mois après son exclusion du jury de l’édition 2024. Il réclame 500 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et professionnel.

Selon les informations confirmées par son avocat, une première audience s’est tenue fin mars devant le tribunal de commerce de Paris. Une tentative de conciliation est prévue à la mi-avril. L’artiste conteste une décision qu’il juge « arbitraire », alors qu’il avait, selon lui, « signé et validé son engagement » plusieurs mois avant le début du festival.

Une exclusion jamais explicitement motivée

L’affaire remonte à l’été 2024. Annoncé comme membre du jury dans un premier communiqué officiel, Ibrahim Maalouf en avait été discrètement retiré quelques jours plus tard. Aucune raison n’avait été officiellement avancée par la direction du festival, alors menée par Aude Hesbert. À l’époque, le nom de Maïwenn, initialement pressentie comme présidente du jury, avait également disparu du programme final.

Dans les coulisses, plusieurs membres du comité d’organisation auraient exprimé un malaise, lié aux accusations d’agression sexuelle visant Maalouf en 2017. L’artiste avait pourtant été relaxé en appel en 2020. À défaut d’une condamnation, certains partenaires du festival auraient fait valoir le contexte post-#MeToo pour exiger un changement de composition du jury.

Une affaire judiciaire classée, mais une image écornée

En 2017, Ibrahim Maalouf avait été accusé d’avoir embrassé une lycéenne de 14 ans lors d’un stage scolaire. Condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis, il avait finalement été relaxé en appel. La cour avait estimé que les éléments à charge étaient insuffisants pour caractériser une agression sexuelle.

Cette relaxe n’a cependant pas empêché des répercussions dans sa carrière. Plusieurs programmateurs ont exprimé depuis leur réticence à l’inviter. L’affaire du festival de Deauville marque un tournant : pour la première fois, l’artiste choisit de répondre juridiquement à ce qu’il considère comme une exclusion fondée sur des accusations désormais éteintes.

« Il a été blanchi par la justice, mais continue d’être pénalisé dans le monde culturel », explique son avocat. « Il s’agit d’un test pour les institutions culturelles françaises sur la question de la réintégration des artistes mis en cause mais relaxés. »

Des précédents de plus en plus fréquents dans le monde culturel

L’affaire rappelle plusieurs cas similaires survenus ces dernières années. En 2018, Bertrand Cantat avait été déprogrammé de plusieurs festivals malgré l’absence de nouvelles poursuites, en raison de sa condamnation passée pour la mort de Marie Trintignant. Orelsan, accusé de misogynie pour certains de ses anciens textes, avait lui aussi été déprogrammé des Francofolies en 2009, avant d’être réinvité des années plus tard.

Plus récemment, Pierre Ménès a vu ses collaborations suspendues par plusieurs médias alors même que les procédures judiciaires n’étaient pas closes. Dans un contexte de vigilance accrue autour des comportements sexistes ou violents, les festivals et institutions sont de plus en plus attentifs à leur image publique et au climat de confiance avec les publics et les partenaires.

Mais cette tendance soulève une question récurrente : que faire lorsqu’une personnalité mise en cause a été relaxée ? La réintégration est-elle possible dans le champ culturel ? Et à quelles conditions ?

Ibrahim Maalouf espère que sa démarche fera jurisprudence. « C’est une affaire de droit, pas de communication », martèle son entourage. Le tribunal devrait statuer dans les prochains mois.

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