Les députés du groupe LFI ont déposé une proposition de résolution pour enquêter sur les discours jugés discriminatoires véhiculés par certains médias. Une démarche qui vise directement la chaîne CNews, régulièrement accusée par le parti de propager une rhétorique islamophobe.
Le bras de fer entre La France insoumise (LFI) et CNews franchit une nouvelle étape. Dans une proposition de résolution déposée mardi 9 avril à l’Assemblée nationale, les députés insoumis demandent la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les « discours médiatiques stigmatisants à l’encontre de certaines catégories de la population », avec une attention particulière portée à la chaîne d’information du groupe Canal+.
« Nous considérons qu’il y a aujourd’hui dans une partie du paysage médiatique français une dérive préoccupante, en particulier sur CNews, où des propos hostiles aux musulmans sont banalisés », a déclaré la députée LFI Danièle Obono, à l’origine de l’initiative. Selon elle, la création d’une telle commission répond à un impératif démocratique : « Il ne s’agit pas de restreindre la liberté de la presse, mais d’examiner si certaines pratiques médiatiques ne contreviennent pas au respect des principes républicains. »
Une chaîne au cœur de la controverse
Depuis plusieurs années, CNews concentre les critiques d’une partie de la gauche en raison de son positionnement éditorial très à droite. La présence régulière de chroniqueurs comme Éric Zemmour (jusqu’en 2021), Pascal Praud ou Charlotte d’Ornellas a suscité de nombreuses accusations de partialité, notamment sur les questions migratoires, sécuritaires ou religieuses.
Le groupe LFI reproche à la chaîne de contribuer à l’ancrage d’un climat de méfiance à l’égard des musulmans. Dans la proposition de résolution, les députés évoquent une « stigmatisation systématique » des quartiers populaires, des personnes d’origine immigrée et des pratiques religieuses minoritaires. Le texte cite plusieurs extraits de débats télévisés diffusés sur la chaîne, qu’il qualifie de « préoccupants au regard des valeurs républicaines ».
Du côté de CNews, on rejette ces accusations en bloc. Contactée, la direction de la chaîne n’a pas souhaité réagir officiellement, mais un membre de la rédaction dénonce une tentative de « museler une parole critique sur les sujets qui préoccupent les Français ». Le journaliste Erik Tegnér, régulièrement invité sur la chaîne, a fustigé « une logique de censure d’un autre temps » : « Critiquer LFI devient tabou. Nous sommes dans une inversion des rôles. »
Liberté de la presse ou responsabilité éditoriale ?
La proposition de résolution divise jusque dans les rangs de la majorité. Si certains députés Renaissance admettent un malaise face à la radicalisation du débat médiatique, peu sont enclins à soutenir une initiative qu’ils jugent potentiellement attentatoire à la liberté de la presse, principe constitutionnel fondamental. « Ce n’est pas au Parlement de juger du contenu éditorial d’une chaîne privée », estime un député macroniste, qui évoque un précédent dangereux.
Du côté des organisations de journalistes, la prudence est de mise. Le SNJ (Syndicat national des journalistes) rappelle que « la lutte contre les discriminations est légitime, mais elle doit passer par les instances compétentes comme l’Arcom [ex-CSA] ou la justice, pas par une commission parlementaire à visée politique ».
La demande de LFI devra désormais passer l’examen de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, qui décidera de son inscription à l’ordre du jour. Dans l’immédiat, le texte a surtout relancé un débat sensible : celui des limites entre liberté d’expression, responsabilité éditoriale et lutte contre les discours de haine.