Depuis plusieurs jours, plusieurs établissements pénitentiaires français sont la cible d’actes de sabotage et d’intimidation. Des incendies de véhicules et des tirs ont été recensés dans différentes villes. Les autorités soupçonnent une coordination inédite et une revendication anarchiste.
La tension est montée d’un cran dans les établissements pénitentiaires français. En moins d’une semaine, au moins sept attaques ciblées ont été recensées contre des structures liées à l’administration pénitentiaire. Des véhicules de surveillants incendiés, des tirs contre des bâtiments, et même un centre de formation visé : une escalade qui fait craindre aux autorités une action concertée contre le système carcéral.
Dans la nuit du 13 au 14 avril, le centre pénitentiaire de La Farlède, près de Toulon, a été visé par des tirs d’arme automatique, selon une source proche de l’enquête. Quinze impacts de balles ont été relevés sur la façade. Aucun blessé n’est à déplorer, mais le choc est considérable. Le ministre de la Justice Gérald Darmanin s’est rendu sur place le lendemain matin. « Nous ne laisserons personne intimider ceux qui servent la République en prison », a-t-il déclaré.
Une signature : DDPF
Les premières attaques ont débuté par des incendies de voitures de surveillants, notamment à Nanterre, Valence, Marseille, Aix-Luynes, Nîmes, Réau et Agen, où plusieurs véhicules ont été détruits sur le parking de l’École nationale d’administration pénitentiaire. Un sigle a été retrouvé à plusieurs reprises sur les murs : « DDPF », pour Droits des détenus et prisonniers français.
Ce groupuscule, qui revendique une idéologie anticarcérale, s’est exprimé sur une chaîne Telegram, dénonçant « l’État pénitentiaire et sa violence systémique ». Dans un message daté du 15 avril, le groupe affirme vouloir « faire entendre la voix des prisonniers que l’administration réduit au silence ». Les enquêteurs de la DGSI, en lien avec le parquet national antiterroriste, ont été saisis de l’affaire. Une enquête pour « tentative de meurtre en bande organisée » et « association de malfaiteurs à visée terroriste » a été ouverte.
Un premier suspect, un ancien détenu en semi-liberté, a été interpellé en Essonne mardi matin. Il aurait participé à la tentative d’incendie du parking d’un centre pénitentiaire.
Malaise dans les rangs des surveillants
Dans les établissements touchés, l’inquiétude est palpable. « C’est la première fois que nous sommes directement ciblés en dehors même des murs », confie un surveillant du centre de Réau, sous couvert d’anonymat. « Ils savent où on vit, où on se gare. Ça fait froid dans le dos. » Les syndicats pénitentiaires ont appelé à un renforcement immédiat de la sécurité et à une protection accrue du personnel, en particulier dans les logements attenants aux centres.
Ces attaques interviennent dans un contexte déjà tendu pour le monde carcéral. La surpopulation atteint des records (plus de 80 000 détenus pour environ 62 000 places), et les conditions de travail des surveillants sont régulièrement dénoncées. Le gouvernement avait annoncé en début d’année un plan de recrutement et la création de nouvelles places de prison, mais les délais s’allongent.
Pour l’heure, le groupe DDPF reste peu connu des services de renseignement, mais les autorités le prennent très au sérieux. « Il ne s’agit pas d’un simple acte de vandalisme, mais bien d’une volonté de s’en prendre aux institutions de la République », estime un haut responsable de la sécurité intérieure. Le ministère de la Justice a annoncé un renforcement des rondes, la surveillance accrue des abords des centres, et la protection de certains surveillants ciblés.