La guerre commerciale lancée entre les États-Unis et la Chine continue de faire sentir ses effets bien au-delà des marchés financiers. Dans son dernier rapport publié ce mercredi, la Réserve fédérale américaine dresse un état des lieux préoccupant de l’impact des tensions commerciales sur l’économie réelle. L’étude, qui compile des données recueillies dans les douze districts de la Fed, met en évidence un ralentissement des dépenses de consommation, des incertitudes dans l’embauche et un net repli du secteur touristique dans plusieurs régions du pays.
Consommation prudente et tensions sur les prix
Dans plusieurs districts — notamment ceux de New York, San Francisco et Dallas — les entreprises interrogées signalent une baisse de la demande des ménages, attribuée en partie à une hausse des prix sur les biens importés. « Les droits de douane appliqués aux produits chinois ont été directement répercutés sur les consommateurs », peut-on lire dans le rapport. Des distributeurs de l’Ouest américain évoquent un recul des ventes dans l’électroménager et les équipements électroniques, deux secteurs très dépendants de la Chine.
Le district d’Atlanta rapporte une « prudence accrue » des ménages, avec une réorientation vers les produits moins chers ou de fabrication locale. Ce phénomène, couplé à l’inflation toujours élevée sur certains produits de base, semble peser sur les habitudes de consommation, en particulier chez les foyers à revenus modestes.
Recrutements gelés et incertitude industrielle
L’étude souligne également une montée des incertitudes dans les entreprises industrielles. Dans les régions du Midwest, traditionnellement marquées par une forte activité manufacturière, les recruteurs se disent plus hésitants à embaucher, faute de visibilité sur les tarifs douaniers et l’évolution des négociations bilatérales.
« L’instabilité tarifaire freine les décisions d’investissement, notamment dans les chaînes d’approvisionnement complexes », explique un responsable interrogé dans le district de Chicago. Certains industriels affirment devoir reconfigurer leur sourcing vers d’autres pays d’Asie, augmentant leurs coûts de production.
Dans le secteur agricole, les témoignages sont similaires. La guerre commerciale a provoqué une chute des exportations de soja, de porc et d’autres produits américains vers la Chine. Le district de Kansas City note « un sentiment de lassitude » chez les exploitants agricoles, qui voient les compensations fédérales comme insuffisantes face aux pertes accumulées.
Un recul marqué du tourisme international
Le rapport met aussi en lumière un phénomène moins attendu mais significatif : la baisse du tourisme en provenance d’Asie. Plusieurs districts — dont celui de San Francisco, où se trouvent les principaux aéroports d’entrée sur la côte Ouest — constatent une diminution du nombre de visiteurs chinois. La rhétorique anti-Pékin et les tensions diplomatiques sont pointées du doigt comme facteurs dissuasifs.
Ce ralentissement affecte particulièrement les secteurs de l’hôtellerie et du luxe. À New York, certains grands hôtels de Manhattan indiquent une baisse de fréquentation de 10 à 15 % sur un an de la clientèle venue de Chine, premier marché touristique hors Amérique du Nord pour les États-Unis.
Une économie « résiliente mais exposée »
Dans ses conclusions, la Fed note que l’économie américaine reste globalement solide, portée par un marché de l’emploi dynamique et une croissance encore positive. Mais les effets indirects de la guerre commerciale se font de plus en plus visibles sur certains secteurs et territoires. « Les tensions commerciales créent un climat d’incertitude durable qui affecte la confiance des entreprises et des ménages », résume le rapport.
Les prochaines réunions de politique monétaire devront tenir compte de ces signaux. Alors que la campagne présidentielle bat son plein, la guerre commerciale devient aussi un enjeu politique de premier plan, scruté de près par les milieux d’affaires.