Michel Leclerc n’a jamais eu peur de marcher sur des braises. Mais avec Le Mélange des genres, le réalisateur de La Lutte des classes pousse le curseur plus loin — beaucoup plus loin — en signant un film aussi audacieux que maladroit, provocant autant de rires que de malaises. Une comédie sociale au scalpel ? Plutôt un cocktail instable qui oscille entre charge politique et caricature mal calibrée.
Un point de départ explosif…
L’histoire a tout d’une bombe à fragmentation idéologique : Simone, une policière infiltrée dans un collectif féministe radical, accuse Paul, un homme discret et effacé, d’agression sexuelle. Une accusation mensongère, faite pour détourner l’attention de sa propre présence. Résultat : une descente aux enfers pour Paul, englouti dans la violence médiatique, le soupçon et l’impuissance. Le tout traité sur le ton de la comédie. Oui, vous avez bien lu.
… mais un équilibre précaire
Le film aurait pu être une réflexion fine sur la guerre des récits, les dérives militantes, la présomption d’innocence. Mais Michel Leclerc ne prend jamais vraiment le temps de creuser ses personnages. Tout est montré à travers des archétypes : le masculin doux et sacrifié, la féministe dogmatique, la société aveuglée. Résultat : une impression de théâtre d’ombres où chacun crie plus qu’il ne pense.
Benjamin Lavernhe tire son épingle du jeu avec une prestation d’une belle retenue. Léa Drucker, impeccable comme toujours, compose un personnage trouble, mais jamais vraiment crédible. Le reste du casting, souvent réduit à de simples fonctions symboliques, peine à exister.
Un film qui veut choquer… mais pour dire quoi ?
Là où Le Nom des gens ou La Lutte des classes parvenaient à faire cohabiter légèreté et profondeur, Le Mélange des genres semble perdre pied. L’humour est là, parfois efficace, souvent gênant. Certaines scènes frôlent le mauvais goût — non pas parce qu’elles osent, mais parce qu’elles semblent ignorer les nuances du réel.
Le film n’a pas peur de l’ambiguïté, mais il flirte dangereusement avec la confusion. À vouloir tout critiquer — la police, le militantisme, les médias, la justice — il finit par ne rien embrasser pleinement. On ressort avec plus de questions que de réponses, et pas forcément les bonnes.
Provoc’ ou posture ?
C’est peut-être là que le bât blesse. Le Mélange des genres semble vouloir “déranger” sans toujours assumer ce qu’il dérange, ni pourquoi. Il joue avec les codes d’un cinéma politique, mais sans réelle colonne vertébrale. Un geste de cinéma ? Sans doute. Un film maîtrisé ? Pas vraiment.