Mark Carney, le choix d’un Canada uni face à Trump

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Mark Carney au soir de sa victoire. Crédit photo : Compte X de Mark Carnet
Mark Carney au soir de sa victoire. Crédit photo : Compte X de Mark Carnet

Face à la menace d’un voisin redevenu hostile, le Canada s’est choisi un Premier ministre technocrate mais combatif. À l’issue d’un scrutin tendu, Mark Carney hérite d’un mandat explosif, sans majorité absolue, mais avec une attente de fermeté.

Le suspense était mince, l’issue désormais actée. Mark Carney formera le prochain gouvernement canadien. Avec 169 sièges sur 343, les libéraux conservent le pouvoir sans majorité absolue. Un succès politique pour cet ancien gouverneur de la banque du Canada et d’Angleterre, novice en campagne, qui a su convaincre sans séduire. Face à Pierre Poilievre, conservateur radicalisé et battu dans sa propre circonscription, Mark Carney a incarné la stabilité plus que l’élan. Les électeurs ont tranché : ce n’est pas le moment de tout bouleverser.

Car si l’écart de voix avec les conservateurs reste étroit — à peine deux points —, c’est dans les provinces décisives que la tendance s’est jouée. Ontario, Colombie-Britannique, et quelques circonscriptions urbaines du Québec ont suffi à faire pencher la balance. Le NPD sort laminé, le Bloc québécois grappille quelques sièges, mais c’est un Parlement morcelé que Carney devra désormais dompter.

L’ombre de Washington sur la campagne

Tout au long de la campagne, une ombre étrangère a plané sur le débat national. Celle de Donald Trump, redevenu président, qui a multiplié les provocations à l’encontre d’Ottawa. Taxation ciblée sur les exportations, menaces à peine voilées sur les ressources naturelles, jusqu’à ce dérapage contrôlé : qualifier le Canada de « 51ᵉ État en attente ». La déclaration a fait l’effet d’un choc — d’autant qu’un échange téléphonique ultérieur entre Trump et Carney a confirmé que le sujet n’était pas qu’une blague de plateau.

Cette poussée d’agressivité américaine a cristallisé le rôle du Premier ministre sortant. Lui qui misait sur son profil économique s’est vu contraint d’endosser celui du protecteur. Et c’est probablement là que s’est joué le scrutin. Dans une élection sans grand enthousiasme, le risque de soumission extérieure a réveillé une fibre souverainiste que Carney a su activer sans excès. À défaut d’être aimé, il a été jugé indispensable.

Un pays fragilisé à tenir debout

Le défi désormais, c’est de gouverner. Et de rassurer. Le Canada entre dans une période de turbulence : la croissance patine, l’inflation reste au-dessus de 3 %, et le conflit commercial avec les États-Unis menace d’amputer durablement l’activité. En réponse aux surtaxes américaines, Ottawa a riposté dès avril avec des droits de douane sur les produits agricoles et industriels. Un bras de fer assumé, mais coûteux : selon Desjardins, la guerre tarifaire pourrait coûter 0,5 point de PIB dès cette année.

Pour y faire face, Carney promet une diplomatie économique offensive. Il a d’ores et déjà annoncé vouloir renforcer les liens commerciaux avec l’Union européenne et l’Asie. Plusieurs capitales, de Paris à Tokyo, ont salué son élection comme une opportunité de renforcer les alliances nord-atlantiques. Dans les cartons législatifs, un projet de loi pour encadrer les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques (énergie, ressources, infrastructures) est attendu dès cet été.

Mark Carney, un homme seul, mais debout

Le nouveau Premier ministre n’a pas l’Assemblée pour lui, mais il a pour lui le moment. Ni charismatique ni flamboyant, Carney s’installe dans un vide que d’autres n’ont pas su combler. Poilievre a échoué à élargir sa base ; le NPD s’est effondré ; le Bloc reste cantonné au Québec. Dans ce contexte, la figure d’un gestionnaire rigoureux, parlant d’égal à égal aux puissants, a rassuré un électorat désorienté.

Carney ne gouvernera pas à coups de grandes lois. Il avancera à petits pas, dossier par dossier. Mais il le fera, probablement, avec la légitimité discrète de ceux qui apparaissent comme le moindre risque dans un monde incertain.

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