Procès du braquage de Kim Kardashian : le procès d’un sourd muet

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Le procès du braquage de Kim Kardashian s’est ouvert à Paris. Aomar Aït Khedache, accusé d’avoir joué un rôle central, comparaît très affaibli, dans des conditions d’interrogatoire inhabituelles.

Neuf ans après le spectaculaire braquage dont fut victime Kim Kardashian dans un hôtel parisien, le procès s’est ouvert à Paris dans un climat lourd, teinté de vieillesse, de regrets et de silences pesants. Dix accusés comparaissent pour leur participation supposée à cette affaire hors norme, au cœur de laquelle se trouve Aomar Aït Khedache, un homme que l’accusation considère comme l’instigateur du vol.

Âgé de 68 ans, il ne conteste pas avoir été impliqué, mais nie avoir dirigé l’opération. Son état de santé, dégradé à l’extrême, rend les débats complexes. Invalide à 80 %, devenu sourd et incapable de s’exprimer oralement, il est au centre d’un casse-tête judiciaire sans précédent.

Un interrogatoire au ralenti

L’analyse de sa personnalité, préalable à l’examen des faits, a mis en lumière l’extrême difficulté de communication avec l’accusé. Incapable d’utiliser la langue des signes ou de lire sur les lèvres, Aomar Aït Khedache doit suivre les échanges grâce à deux sténotypistes et un écran retranscrivant en direct les propos tenus à l’audience. Ses réponses, souvent succinctes, sont inscrites sur un cahier posé devant lui. Des mots rares, parfois des gestes, qui laissent à la cour un sentiment d’opacité.

Quand le président l’interroge sur les raisons de sa bascule dans le grand banditisme, l’accusé écrit sobrement : « Influence. Entourage. » À la question de savoir ce qui l’a poussé à commettre un braquage de cette ampleur, il répond : « Pas le risque. Peut-être l’argent. » Rien de plus.

Tragédies et longues absences judiciaires

Le parcours judiciaire d’Aït Khedache débute à la fin des années 1970. D’abord impliqué dans des cambriolages, il est condamné à plusieurs reprises dans sa jeunesse. C’est en détention, dans les années 1980, qu’il commence à souffrir de surdité, aggravée, selon ses avocats, par des traitements psychiatriques lourds, dont des électrochocs. À cette époque, il perd sa compagne enceinte dans un incendie. Le choc, brutal, précipite une longue période de troubles psychiques.

Pendant près de trois décennies, il disparaît des radars judiciaires. Il s’installe en famille, ouvre des restaurants en région parisienne puis en Espagne. Selon son fils cadet, entendu à la barre, il mène une vie de père attentif, discret, presque banal. Mais en 2010, alors qu’il tient un hôtel en Seine-et-Marne, il est rattrapé par une condamnation. Plutôt que de se soumettre à la peine, il entre dans la clandestinité.

Un retour brutal à la criminalité

Pendant sept ans, Aït Khedache vit dans la peur de l’arrestation. Cette période marquera un tournant : en 2015, il agresse une octogénaire pour la cambrioler, séquestrant sa victime avant d’être rattrapé. Cinq ans de prison. Une rechute brutale après des années d’apparente réinsertion.

Quelques mois plus tard, en octobre 2016, Kim Kardashian est victime d’un braquage dans sa suite parisienne. Les enquêteurs remontent jusqu’à lui. Lors de son arrestation, il est soupçonné d’avoir joué un rôle déterminant dans l’élaboration du plan. Des écoutes et surveillances confirment sa proximité avec plusieurs membres du réseau.

Le poids de la culpabilité familiale

À la barre, l’homme paraît aussi éprouvé physiquement que moralement. Il assume sa participation mais exprime sa culpabilité d’avoir, selon lui, entraîné son fils cadet et son ex-compagne dans cette spirale. Le jeune homme, également poursuivi, admet avoir transporté son père après les faits, mais nie avoir su ce qu’il venait de commettre. Le lien familial, au cœur du dossier, ajoute une dimension tragique à cette affaire hors norme.

Le procès doit se poursuivre dans les prochaines semaines avec l’examen des rôles respectifs des autres accusés. Mais une chose est certaine : au fil des audiences, l’image du « cerveau du braquage » laisse peu à peu place à celle d’un homme usé, mutique, difficile à sonder – et dont la mémoire, comme le corps, semble désormais en lambeaux.

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