Allemagne : le faux départ de Friedrich Merz inquiète les Européens

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Friedrich Merz. © RALF HIRSCHBERGER

Élu chancelier dans la douleur, Friedrich Merz a connu un revers historique au Bundestag. Son accession chahutée au pouvoir ravive les doutes sur la solidité politique de l’Allemagne et inquiète ses voisins européens, à l’heure où le continent cherche des repères.

À peine élu chancelier, Friedrich Merz a connu un revers inédit qui jette une ombre sur le début de son mandat. Le 6 mai, le leader de la CDU n’a pas obtenu la majorité absolue au premier tour de vote du Bundestag, ne réunissant que 310 voix sur les 316 requises, malgré l’accord de coalition entre la CDU/CSU et le SPD. Il aura fallu un second vote, organisé dans l’urgence, pour qu’il atteigne enfin la chancellerie, avec 325 voix. « C’est un début fragile, inhabituel pour un chancelier en Allemagne », a commenté le politologue Karl-Rudolf Korte dans les colonnes de la Süddeutsche Zeitung.

Cet accroc de Friedrich Merz, inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, reflète les tensions au sein de la majorité. Plusieurs élus du SPD auraient voté contre Merz ou se seraient abstenus, selon des sources parlementaires citées par Der Spiegel. Le résultat fragilise d’emblée une coalition déjà jugée instable, formée dans un contexte économique difficile. L’Allemagne reste engluée dans une récession prolongée, son industrie souffre de la fin des importations de gaz russe, et les coûts énergétiques pèsent sur la compétitivité du pays.

Une coalition sous tension dès les premiers jours

Friedrich Merz, 69 ans, n’en reste pas moins déterminé à imprimer sa marque. Il a promis une « relance à l’allemande » de 500 milliards d’euros, combinant investissements dans les infrastructures et dépenses de défense. Mais ce plan suppose de revenir sur le « frein à l’endettement », inscrit dans la Constitution, un tabou pour une partie de son propre camp. Dans une interview accordée au Frankfurter Allgemeine Zeitung, Merz a affirmé : « Nous ne pouvons pas moderniser ce pays en restant prisonniers de règles budgétaires conçues pour une autre époque. »

Ses déclarations ont fait grincer des dents à Bruxelles, où l’on s’interroge sur la cohérence de la nouvelle direction allemande. Si Merz a réaffirmé son attachement à l’Union européenne, ses positions fermes sur l’immigration suscitent l’inquiétude. « L’Allemagne ne peut pas continuer à accueillir tous ceux qui frappent à nos portes », a lancé Friedrich Merz devant le Bundestag, promettant un durcissement des politiques d’asile. Une ligne qui pourrait heurter certains partenaires européens, notamment la France et l’Espagne, qui militent pour une politique migratoire plus solidaire à l’échelle du continent.

Berlin, maillon faible de l’Union ?

À Bruxelles, plusieurs diplomates ont confié à Politico Europe leur inquiétude face à un gouvernement allemand perçu comme « peu lisible et peu stable », au moment même où l’UE cherche à renforcer sa souveraineté économique et militaire face aux tensions géopolitiques. « L’Allemagne ne peut pas se permettre de trébucher en début de mandat, alors qu’elle est censée guider l’Europe », glisse un haut responsable européen sous couvert d’anonymat.

La fragilité politique de Friedrich Merz pourrait également profiter à l’AfD, devenue première force d’opposition au Bundestag. Une dynamique préoccupante pour les démocraties voisines, à un an des élections européennes. Le chancelier entre donc à la Chancellerie dans un climat de défiance, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières allemandes. Reste à savoir s’il parviendra à rassembler sa coalition autour d’un cap clair, à un moment où l’Europe a plus que jamais besoin d’un leadership stable à Berlin.

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