Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, les téléphones n’en finissent plus de sonner. Depuis les résultats du premier tour du congrès socialiste, Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol sont au coude-à-coude. Chacun a obtenu environ 41 % des voix. Arrivé en troisième position avec 18 %, Boris Vallaud fait désormais figure d’arbitre. Un rôle qui cristallise toutes les attentions à l’approche du second tour, prévu le 5 juin.
« Nous n’avons jamais été soumis aux Insoumis ! », lançait Olivier Faure la semaine dernière devant les militants de Niort. Une manière de prendre ses distances avec Jean-Luc Mélenchon, au moment où ses adversaires l’accusent d’avoir trop longtemps ménagé la France insoumise. Candidat à sa propre succession, le député de Seine-et-Marne défend une ligne d’union de la gauche, tout en excluant un nouveau leadership mélenchoniste. « Jean-Luc Mélenchon est le pire candidat pour le second tour », confiait-il récemment, tout en dénonçant une possible candidature de Raphaël Glucksmann, soutenue en creux par son rival Mayer-Rossignol.
Un vote sous haute tension
Depuis 2018, Olivier Faure a traversé trois congrès et affronté toutes les oppositions. En 2023, déjà face à Nicolas Mayer-Rossignol, il ne s’était maintenu qu’au terme d’une alliance surprise avec Hélène Geoffroy. Cette fois, le match est plus ouvert. « C’est un très grand joueur de coups tordus, c’est d’ailleurs son principal talent », raille un ancien allié, évoquant la réputation de manœuvrier du premier secrétaire.
Mais le contexte a changé. Cette année, les deux courants minoritaires ont fusionné autour de Mayer-Rossignol, et Boris Vallaud, jusque-là proche de Faure, a fait dissidence. Dans son texte d’orientation, le député des Landes appelle à une « démarchandisation » de la vie et au lancement d’outils concrets, comme une académie Léon-Blum ou le journal Le Nouveau Populaire. Surtout, il affirme vouloir « un congrès d’idées, pas de tactique ».
Le faiseur de rois reste silencieux
C’est donc à lui que reviennent désormais les clés du second tour. Ni Faure ni Mayer-Rossignol ne peuvent espérer obtenir une majorité sans son soutien. « Boris est dans son bunker », souffle un député fauriste. Tandis que les deux camps multiplient les appels, le Landais garde le silence. « Ce sera une décision collective », assure son entourage.
Dans l’un et l’autre camp, on tente de minimiser les divergences. « Nous avons des convergences importantes avec Boris », glisse Johanna Rolland, maire de Nantes et numéro deux du parti, soutien de Faure. À l’inverse, Philippe Brun, proche de Mayer-Rossignol, affirme que « la ligne d’opposition est désormais majoritaire ». En attendant, les deux finalistes rivalisent de promesses : gouvernance élargie, changement de fonctionnement, nouvelle dynamique militante.
Un avenir incertain à gauche
Au-delà du congrès, c’est l’horizon de 2027 qui se dessine en creux. Faure plaide pour un candidat unique de la gauche, quitte à ne pas être socialiste. Mayer-Rossignol, lui, défend l’idée d’une candidature sociale-démocrate, potentiellement incarnée par Glucksmann. Vallaud se veut rassembleur, mais refuse « la division sur de faux désaccords ».
Reste que les tensions internes ne sont pas retombées. Après les manifestations du 1er mai, où des élus socialistes ont été violemment pris à partie, l’absence de réaction immédiate d’Olivier Faure a ravivé les critiques. Certains cadres dénoncent un isolement croissant de la direction sortante. « Même sur l’antisémitisme, le PS se divise », soupirait un élu ces derniers jours.
À trois jours du vote, l’issue demeure incertaine. Et le risque est réel : voir un parti déjà affaibli ressortir de ce congrès encore plus fragmenté.