Depuis le 1er juin, les producteurs européens d’acier et d’aluminium doivent s’acquitter de droits de douane doublés à l’entrée sur le marché américain : 50 % au lieu de 25 %. Une mesure brutale annoncée par l’administration Trump dans le cadre d’un durcissement unilatéral de sa politique commerciale, invoquant une fois encore la « sécurité nationale ». Si Bruxelles dénonce une décision « injustifiée et agressive », elle n’a pour l’heure pas déclenché de représailles.
Une réponse mesurée pour gagner du temps
La Commission européenne a choisi, en concertation avec les États membres, de maintenir les discussions ouvertes avec Washington. Lors d’un sommet de l’OCDE à Paris, le commissaire européen au Commerce Maroš Šefčovič s’est entretenu avec son homologue américain Jamieson Greer. « Nous croyons en une issue négociée. Les échanges avancent sur des bases concrètes », a-t-il déclaré à l’issue de la rencontre.
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L’Union européenne mise sur une désescalade, en suspendant temporairement les contre-mesures prévues, notamment des surtaxes sur des produits américains emblématiques (jeans, motos, bourbon, etc.) pour un montant évalué à 95 milliards d’euros. Cette trêve est limitée dans le temps : sans avancées d’ici la mi-juillet, ces taxes pourraient entrer en vigueur.
Des intérêts divergents
Côté américain, l’enjeu dépasse la simple balance commerciale. Washington cherche à accroître ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe et souhaite un assouplissement de certaines normes européennes jugées trop strictes, notamment en matière d’environnement et d’agroalimentaire. En échange, les négociateurs européens plaident pour une suppression réciproque de l’ensemble des droits de douane industriels, y compris sur le secteur sensible de l’automobile.
« L’idée serait d’établir un accord de type “zéro tarif, zéro subvention, zéro barrière”, comme l’évoquait Jean-Claude Juncker à l’époque », résume une source diplomatique européenne. Mais l’hypothèse reste fragile tant les intérêts stratégiques des deux blocs divergent.
Un précédent lourd de conséquences
Déjà en 2018, une décision similaire de Donald Trump avait déclenché un bras de fer commercial entre les deux rives de l’Atlantique, affaiblissant la coopération transatlantique et affectant lourdement certains secteurs. Les industriels européens redoutent une répétition du scénario, dans un contexte économique déjà fragilisé par les tensions géopolitiques et la hausse des coûts de production.
« Si aucun compromis n’est trouvé, ce sera une mauvaise nouvelle pour tout le monde », alerte Axel Eggert, directeur général de la fédération européenne de la sidérurgie. D’après Eurofer, près de 20 % des exportations d’acier européen sont destinées au marché américain.
Une fenêtre diplomatique étroite
Malgré l’hostilité affichée de Donald Trump à l’égard des règles de l’OMC et des accords multilatéraux, Bruxelles semble vouloir croire à une forme de pragmatisme de Washington. Mais le temps presse. La suspension des contre-mesures européennes n’est valable que jusqu’au 14 juillet.
« Nous ne cherchons pas la confrontation, mais nous ne serons pas naïfs », a résumé Ursula von der Leyen, tout en assurant que « l’unité européenne » serait préservée. Dans les coulisses, Paris et Berlin tentent de préserver un front commun, tandis que certains États membres appellent déjà à durcir le ton.