Le tribunal correctionnel de Paris a ouvert les débats sans André Escaro, ancien dessinateur du journal, âgé de 97 ans, ni sa compagne Édith Vandendaele. Leur avocat a justifié cette absence par l’état de santé très dégradé du dessinateur et la nécessité pour sa compagne de rester à ses côtés. Le tribunal a néanmoins décidé de poursuivre l’audience, tout en ordonnant une expertise médicale sur la capacité du couple à comparaître.
Sur le banc des prévenus figuraient en revanche Michel Gaillard, ancien président du directoire du journal, et Nicolas Brimo, son successeur. Tous deux sont jugés pour avoir maintenu en poste une salariée sans activité réelle au sein de la rédaction.
Une affaire révélée en interne
L’affaire a éclaté en 2022 à la suite d’une enquête interne menée par un journaliste de la rédaction. Ce dernier avait découvert que la compagne du dessinateur percevait depuis les années 1990 un salaire conséquent – entre 3 000 et 5 600 euros nets mensuels selon les périodes – sans présence ni contribution identifiable au sein du journal. Une plainte a ensuite été déposée, déclenchant une enquête de la brigade financière.
Le préjudice total, sur la seule période 2010-2022, est estimé à environ 1,45 million d’euros. La justice reproche aux prévenus des faits d’abus de biens sociaux, recel, fausses déclarations fiscales et sociales, et usage frauduleux d’une carte de presse.
Une fracture au sein du journal satirique
Le procès met en lumière des dissensions profondes au sein de la rédaction du Canard enchaîné, longtemps réputée pour sa discrétion et son unité. Certains actionnaires historiques, convoqués comme témoins, défendent la direction sortante et contestent la gravité des faits. D’autres membres de la rédaction, en revanche, dénoncent un système opaque et une gestion interne dépourvue de contrôles.
Le contraste est d’autant plus marquant que le journal s’était illustré en 2017 par ses révélations sur l’affaire Fillon, fondées elles aussi sur un soupçon d’emploi fictif.
Un symbole judiciaire
Au-delà du préjudice financier, le procès interroge sur la gouvernance d’un média qui se veut irréprochable en matière d’éthique publique. Le tribunal doit trancher d’ici la fin de la semaine, après avoir entendu les parties civiles et les témoins.
Les débats se poursuivent jusqu’à vendredi. Le témoignage du journaliste à l’origine des révélations est très attendu.