Mercredi 9 juillet, peu avant 9 heures du matin, une vingtaine de policiers de la brigade financière, accompagnés de deux juges d’instruction, ont investi le siège du Rassemblement national, dans le XVIe arrondissement de Paris. L’intervention a visé l’ensemble des bureaux du parti, jusqu’aux étages des dirigeants.
Selon Jordan Bardella, président du RN, l’ensemble des documents comptables, des échanges mails et des archives électorales ont été saisis. « Nous ne savons toujours pas quels sont précisément les griefs qui justifient une telle opération », a-t-il déclaré dans un message publié sur le réseau X, dénonçant un « acharnement » inédit contre un parti d’opposition.
Une enquête déclenchée par Bruxelles
Cette perquisition intervient deux jours après l’annonce par le parquet européen de l’ouverture d’une enquête pour « irrégularités financières » visant les eurodéputés du groupe Identité et Démocratie (ID), auquel appartenait le RN entre 2019 et 2024.
D’après une note interne du Parlement européen révélée le 3 juillet par Le Monde et plusieurs médias européens (Die Zeit, Falter, Kontraste), plus de 4,3 millions d’euros auraient été « indûment dépensés » au cours de la précédente mandature. Le document pointe notamment des financements jugés illégaux à destination de deux sociétés liées à des proches de Marine Le Pen.
Un système de surfacturations mis en cause
Deux entreprises concentrent les soupçons. La première, e-Politic, dirigée par Paul-Alexandre Martin, aurait reçu 1,7 million d’euros pour des prestations de communication au sein du Parlement. Selon les inspecteurs, des contrats auraient été passés avant même leur signature formelle, et sans appel d’offres valable.
La seconde, Unanime, dirigée par l’épouse de Frédéric Chatillon – ancien du GUD et proche de Marine Le Pen – aurait perçu 1,4 million d’euros pour des travaux d’impression. Mais ces prestations auraient été massivement sous-traitées, avec des marges estimées à plus de 260 000 euros. L’administration du Parlement évoque « de graves problèmes de conformité » et un « non-respect manifeste des règles de gestion financière ».
Associations amies et budgets détournés
Au-delà des marchés publics, le rapport épingle également des subventions versées à des associations locales sans lien avec le mandat européen. Parmi elles : Ami Chats 88 (1 000 euros pour des stérilisations dans les Vosges) ou Lévriers 74 (4 000 euros pour la protection des lévriers espagnols). Toutes ces dépenses ont été ponctionnées sur le budget communication des eurodéputés, pourtant strictement encadré.
Bardella contre-attaque, Le Pen contre-attaque juridiquement
Dans un communiqué, Jordan Bardella a dénoncé une manœuvre politique orchestrée par Bruxelles. « Jamais un parti d’opposition n’a subi un tel acharnement sous la Ve République », affirme-t-il. Il reproche également au Parlement européen d’avoir transmis à la presse « des correspondances internes » en pleine procédure contradictoire.
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De son côté, Marine Le Pen, déjà condamnée fin mars à quatre ans de prison dont deux ferme dans l’affaire des assistants parlementaires, a annoncé avoir saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Elle espère obtenir en urgence la suspension de sa peine d’inéligibilité, invoquant un « risque démocratique » en cas de nouvelle dissolution de l’Assemblée.
Une affaire aux ramifications politiques explosives
Le rapport du Parlement européen, qui a déclenché l’enquête, est le fruit d’un contrôle comptable mené après la dissolution du groupe ID en juillet 2024. Les inspecteurs ont relevé des anomalies majeures dans les rapports transmis par l’ancien secrétaire général du groupe, le nationaliste flamand Philip Claeys.
La nouvelle enquête frappe un parti déjà fragilisé par les affaires, à un moment où il se présente comme l’alternative au pouvoir. Reste à savoir si ce nouvel épisode judiciaire pèsera sur les ambitions nationales du RN… ou nourrira son discours de victimisation