La réunion devait permettre d’ouvrir une nouvelle phase de dialogue social. Elle s’est soldée par une rupture. Mercredi matin, l’intersyndicale, qui regroupe la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’UNSA, la FSU et Solidaires, a été reçue à Matignon par le Premier ministre Sébastien Lecornu. Installé depuis moins de trois semaines à la tête du gouvernement, l’ancien ministre des Armées avait choisi de tendre la main aux syndicats, après une rentrée marquée par des cortèges fournis et un climat social électrique. Mais à la sortie de l’entretien, les dirigeants syndicaux ont livré le même constat : « Nous n’avons eu aucune réponse claire. » En conséquence, une nouvelle journée de mobilisation nationale est annoncée pour le 2 octobre.
Des attentes fortes, des réponses jugées insuffisantes
Depuis plusieurs jours, les organisations réclamaient un « tournant social » de la part de l’exécutif. Elles demandaient des engagements fermes sur quatre sujets : le budget 2026, la réforme de l’assurance-chômage, la question des retraites et la justice fiscale. « Nous sommes venus avec des propositions concrètes, nous repartons avec des généralités », a regretté Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. Selon elle, le chef du gouvernement « a bien entendu la nécessité de rétablir de la justice fiscale », mais sans livrer de mesures tangibles ni calendrier.
Même insatisfaction du côté de la CGT. Sa numéro un, Sophie Binet, a dénoncé « un rendez-vous manqué » et « des paroles qui ne s’accompagnent d’aucun acte ». La réforme des retraites de 2023, qui continue de cristalliser la colère dans de nombreux secteurs, n’a pas été remise en question. Quant à l’assurance-chômage, les syndicats affirment avoir perçu la possibilité d’un abandon, mais là encore, aucun engagement écrit n’a été fourni.
La crainte d’une impasse sociale
Cette absence de clarté nourrit la colère des syndicats. « Le gouvernement joue la montre », a accusé l’UNSA, redoutant que l’exécutif ne repousse ses décisions à l’examen du budget, fin octobre. Pour FO, « ce flou volontaire est une manière de désamorcer la mobilisation sans répondre aux revendications ».
Les syndicats dénoncent également l’absence de garanties sur l’emploi public. La FSU, qui représente notamment les enseignants, a fustigé « un silence inquiétant sur les postes dans la fonction publique ». Solidaires a pour sa part dénoncé une politique « qui privilégie l’équilibre budgétaire au détriment des travailleurs ». Dans ces conditions, l’intersyndicale estime que seule la pression de la rue peut contraindre le gouvernement à infléchir sa ligne.
Un gouvernement sous pression
Pour Sébastien Lecornu, cette séquence s’annonce périlleuse. Moins d’un mois après sa nomination, le Premier ministre se retrouve confronté à son premier test social. Son objectif initial était de montrer sa capacité à dialoguer avec l’ensemble des partenaires, syndicaux comme patronaux. Mais la déception exprimée mercredi brouille ce message d’ouverture.
Le chef du gouvernement doit par ailleurs composer avec un calendrier politique serré : présentation du budget en Conseil des ministres, négociations européennes sur les règles budgétaires, arbitrages internes sur la fiscalité. Autant de dossiers qui ne laissent guère de marge de manœuvre. Selon plusieurs observateurs, l’exécutif hésite à se lancer dans des réformes coûteuses qui pourraient fragiliser sa majorité parlementaire déjà étroite.
La perspective d’un 2 octobre à haut risque
L’annonce d’une mobilisation le 2 octobre pourrait rallumer la flamme sociale. La précédente journée de grève, le 18 septembre, avait rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes dans les grandes villes, signe que la contestation n’a pas faibli depuis les réformes contestées de 2023. « Cette fois, nous irons plus loin », a prévenu la CGT, qui promet des actions dans les transports, l’énergie et l’éducation. La CFDT, généralement plus modérée, a confirmé son soutien, jugeant que « la déception est à la hauteur des attentes ».
Les syndicats espèrent élargir leur mobilisation en obtenant le soutien de certaines forces politiques. Des responsables de gauche, notamment au sein de La France insoumise et du Parti socialiste, ont déjà annoncé qu’ils rejoindraient les cortèges. Pour le gouvernement, la journée du 2 octobre sera donc un test grandeur nature. Un échec à contenir la contestation pourrait affaiblir durablement l’autorité du Premier ministre.
Une équation encore incertaine
Dans l’immédiat, l’intersyndicale a décidé de maintenir la pression. « Nous avons besoin de garanties écrites et précises », insiste la CFE-CGC. « Sans cela, nous n’avons plus aucune confiance dans la parole gouvernementale. » De son côté, Matignon assure que le dialogue reste ouvert et qu’un nouveau cycle de concertations sera organisé avant la mi-octobre. Mais cette promesse peine à convaincre.
La semaine prochaine sera décisive : elle dira si l’exécutif choisit d’apaiser les tensions par des annonces concrètes, ou s’il s’engage dans une confrontation frontale avec les syndicats. Pour Sébastien Lecornu, encore en quête de légitimité, l’épreuve sociale commence à peine.