À la Maison-Blanche, Donald Trump s’est présenté en sauveur. « C’est l’un des plus beaux jours de la civilisation », a-t-il proclamé lundi aux côtés de Benjamin Netanyahou. Le président américain a révélé que le chef du gouvernement israélien avait donné son accord à son plan en vingt points censé mettre fin à près de deux ans de guerre dans la bande de Gaza. La veille, il avait déjà préparé l’opinion sur Truth Social : « Nous avons une réelle chance d’atteindre quelque chose de grand au Moyen-Orient. »
Le texte, élaboré par l’entourage de Trump avec l’appui de Jared Kushner et de son envoyé spécial Steve Witkoff, est présenté comme un compromis « pragmatique et historique ». Reste que son acceptation par Israël n’est qu’une étape : le Hamas doit encore se prononcer, et l’Autorité palestinienne n’a pas été associée au processus, ce qui alimente un soupçon d’improvisation et d’unilatéralisme.
Un cessez-le-feu conditionné
Le plan prévoit d’abord un cessez-le-feu immédiat, suivi du retrait progressif des troupes israéliennes. Les otages encore retenus à Gaza, dont plusieurs Américains et Israéliens, doivent être libérés dans les 72 heures en échange de la remise en liberté de plus de 1 000 prisonniers palestiniens, dont des figures politiques condamnées à la prison à vie.
Le Hamas, affaibli par des mois de bombardements, se verrait offrir une amnistie partielle : ses combattants pourraient déposer les armes et quitter Gaza via des couloirs sécurisés, ou demeurer sur place en s’engageant à « la coexistence pacifique ». Washington insiste sur la nécessité de détruire l’arsenal militaire et les tunnels du mouvement islamiste.
Une administration internationale controversée
La partie la plus sensible concerne l’après-guerre. Le plan Trump propose la création d’une « autorité technocratique et apolitique », excluant explicitement le Hamas, et placée sous la supervision d’un « comité de la paix » présidé par Donald Trump lui-même. Tony Blair, ancien Premier ministre britannique et ex-envoyé spécial du Quartet au Proche-Orient, est pressenti pour jouer un rôle central dans cette instance.
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Pour Washington, ce schéma garantirait neutralité et efficacité. Mais pour de nombreux Palestiniens, il s’agit d’une mise sous tutelle déguisée. Mustafa Barghouti, dirigeant de l’Initiative nationale palestinienne, a dénoncé « un projet totalement inacceptable » : « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau colonialisme dirigé par Washington et Londres. »
Cette réaction témoigne d’un scepticisme profond. Blair reste associé, dans la mémoire collective arabe, à l’invasion de l’Irak en 2003 aux côtés de George W. Bush. Quant à Trump, son choix de se placer à la tête d’un comité censé arbitrer l’avenir de Gaza est perçu comme une récupération politique.
Soutiens israéliens et fractures internes
À Tel-Aviv, l’annonce a été accueillie avec soulagement par le forum des familles d’otages, qui a salué un accord « historique » offrant une perspective de libération rapide. Mais la coalition de Netanyahou reste fracturée. Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, figures de l’extrême droite, ont déjà affirmé que l’armée devait conserver une « liberté totale d’action » à Gaza, même après un cessez-le-feu.
L’adhésion israélienne au plan Trump est donc loin d’être unanime. Netanyahou lui-même, affaibli politiquement, n’a peut-être accepté qu’à contre-cœur, sous la pression de Washington et de l’opinion. « Netanyahu préfère clairement continuer la guerre, mais il n’est pas impossible pour Trump de le convaincre d’y renoncer », estime Natan Sachs, du Middle East Institute.
La reconstruction, enjeu majeur
Au-delà du cessez-le-feu, c’est la reconstruction de Gaza qui constituera le véritable test. Plus de 66 000 morts et des centaines de milliers de déplacés laissent un territoire dévasté. Le plan américain promet une aide massive : réhabilitation des hôpitaux, rétablissement des réseaux d’eau et d’électricité, réouverture des boulangeries, déblaiement des décombres.
Mais cette promesse est assortie d’une condition : les fonds seront gérés par l’autorité internationale présidée par Trump et mise en œuvre par des partenaires étrangers. De quoi alimenter le sentiment d’une dépossession pour les Palestiniens.
Une victoire politique pour Trump
À un an de la présidentielle américaine, l’annonce tombe à point nommé pour Donald Trump. En s’érigeant en arbitre du conflit israélo-palestinien, il cherche à s’offrir un succès diplomatique majeur. Mais derrière les sourires affichés à Washington, la réalité demeure fragile : le Hamas n’a pas encore validé l’accord, les divisions israéliennes persistent, et la méfiance palestinienne est profonde.
Pour beaucoup, l’initiative risque de s’apparenter moins à un véritable accord de paix qu’à une mise en scène. « Ce plan est d’abord conçu comme une victoire politique personnelle pour Trump », résume un diplomate européen. Reste à savoir si les habitants de Gaza, confrontés à une catastrophe humanitaire sans précédent, y trouveront autre chose qu’un répit provisoire.