Kaboul s’est réveillée lundi matin privée de tout contact avec l’extérieur. Dans la soirée, le signal des téléphones portables et des connexions Internet avait progressivement disparu, jusqu’à tomber à moins de 1 % de son niveau habituel selon l’organisation NetBlocks. Le gouvernement taliban a confirmé la mise hors service de 8 000 à 9 000 pylônes de télécommunications « jusqu’à nouvel ordre ». Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, c’est la première fois qu’une coupure Internet est imposée à l’échelle nationale.
Les vols internationaux ont été annulés et l’AFP a indiqué avoir perdu tout contact avec son bureau de Kaboul dès lundi soir. Pour de nombreux Afghans vivant à l’étranger, la rupture des liaisons a provoqué une inquiétude immédiate. « Je suis totalement coupé de ma famille à Kaboul. Je ne sais pas ce qui se passe, je suis vraiment inquiet », confiait un expatrié installé à Oman.
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Dans les marchés de la capitale, les commerçants ont constaté l’arrêt brutal de leurs activités. « Sans téléphone ni Internet, nous sommes aveugles. Les livraisons se font par téléphone portable. C’est comme un jour férié, tout le monde est chez soi », expliquait Najibullah, 42 ans. Le blocage touche aussi les services bancaires et les opérations douanières, qui dépendent des réseaux de données. Les transactions électroniques étant devenues impossibles, une partie de l’économie s’est trouvée paralysée.
Coupure Internet en Afghanistan : une économie paralysée
Déjà fragilisé par les sanctions internationales et le retrait des aides occidentales, l’Afghanistan se retrouve privé de ses rares canaux de communication modernes. Les banques ne peuvent plus effectuer d’opérations, les transferts d’argent des expatriés sont suspendus et les échanges commerciaux ralentissent fortement. La coupure des télécommunications s’inscrit dans une politique de restrictions amorcée depuis plusieurs semaines. Dans la province de Balkh, l’internet par fibre optique avait été interdit mi-septembre pour « prévenir le vice ».
Des limitations similaires avaient été signalées dans les provinces de Badakhshan et Takhar au nord, ainsi qu’à Kandahar, Helmand ou Nangarhar au sud. Les Talibans avaient déjà ordonné l’interruption progressive de la fibre optique, sous prétexte de moraliser les usages numériques.
Cette décision semble contredire le régime qui, en 2024 encore, vantait son réseau national de 9 350 kilomètres de fibre optique comme un levier de modernisation et un moyen de sortir le pays de la pauvreté. L’isolement forcé, au contraire, replonge l’Afghanistan dans un blackout numérique qui entrave autant le commerce que l’éducation.
Talibans et contrôle politique par les télécommunications
Les Talibans justifient la coupure Internet par la lutte contre la débauche et les « activités immorales ». Pour de nombreux observateurs, il s’agit surtout d’un outil de contrôle social. Depuis 2021, les restrictions à la liberté d’expression se sont multipliées, les médias indépendants ont été réduits au silence et les réseaux sociaux constituaient jusqu’ici l’un des derniers espaces d’information échappant à la censure. L’interruption de la fibre optique touche également les services téléphoniques, qui utilisent les mêmes infrastructures.
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Dans les rues de Kaboul, chacun tente de s’adapter. Les cybercafés sont fermés, les étudiants se retrouvent privés de cours en ligne et les commerces réduisent leurs horaires. Quelques familles recourent à des antennes satellites clandestines, mais elles restent rares et risquées. À l’étranger, la diaspora afghane s’alarme. Les organisations de défense des droits humains dénoncent une atteinte massive à la liberté d’expression et appellent à une réaction internationale.
Amnesty International évoque « un isolement forcé d’une population déjà victime d’un régime autoritaire ». La coupure Internet, annoncée comme provisoire, pourrait s’installer dans la durée. Pour des millions d’Afghans, le quotidien redevient un huis clos, enfermé dans les frontières d’un pays coupé du monde.