Accords franco-algériens de 1968 : l’Assemblée vote une résolution de dénonciation, première victoire symbolique du RN

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C’est un vote aussi serré que symbolique. Jeudi soir, l’Assemblée nationale a adopté, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution du Rassemblement national visant à dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968. Ce texte, qui encadre depuis plus d’un demi-siècle le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France, leur accorde un statut particulier par rapport aux autres étrangers. Sans valeur contraignante, la résolution n’entraîne aucune modification légale immédiate, mais elle a valeur de signal politique fort dans un contexte où la question migratoire reste au cœur du débat public.

Le scrutin a mis en lumière les fractures internes de la majorité. Les députés Renaissance et MoDem ont voté contre, tandis que plusieurs élus Horizons et Les Républicains ont soutenu le texte, permettant son adoption. Marine Le Pen a salué « une journée historique », voyant dans ce vote « la fin d’une anomalie diplomatique ». À gauche, La France insoumise et les socialistes ont dénoncé une « manœuvre xénophobe » et une « provocation diplomatique » envers Alger.

Un régime d’exception hérité de la décolonisation

Signés six ans après l’indépendance de l’Algérie, les accords de 1968 établissaient un régime dérogatoire pour ses ressortissants : délivrance simplifiée de titres de séjour, facilités d’accès à l’emploi et à la réunification familiale, et conditions particulières pour les étudiants. Depuis, plusieurs avenants ont tenté d’adapter ces dispositions, sans jamais les aligner complètement sur le droit commun. En pratique, ce régime concerne aujourd’hui des centaines de milliers de personnes : près de 650 000 Algériens disposent d’un titre de séjour en cours de validité en France, soit environ 15 % du total des étrangers.

Pour la droite et le RN, cet accord est devenu « obsolète » et crée une « inégalité de traitement injustifiable » entre les nationalités. Le gouvernement, lui, plaide pour une « renégociation sereine » plutôt qu’une dénonciation unilatérale. « Il faut actualiser le cadre, pas le briser », a expliqué le Premier ministre, qui rappelle que seule l’exécutif détient le pouvoir de dénoncer formellement un traité international.

Un signal politique, une tension diplomatique

Le vote de jeudi n’a pas d’effet juridique immédiat, mais il place la majorité sous pression. À l’approche des élections municipales et européennes, le Rassemblement national consolide son image de faiseur d’agenda en matière migratoire. Plusieurs élus de la majorité redoutent que le sujet ne devienne un thème central de la campagne.

À Alger, la réaction a été prudente mais préoccupée. Le ministère des Affaires étrangères a exprimé « son inquiétude » et appelé Paris à « préserver l’esprit de coopération entre les deux pays ». Dans la presse algérienne, on dénonce une « remise en cause d’un lien historique ».

Ce vote, avant tout politique, illustre la crispation française autour de la question migratoire. Si les accords de 1968 restent en vigueur, leur avenir dépend désormais d’un choix diplomatique que le gouvernement devra trancher : préserver un cadre bilatéral ancien, ou acter, dans les faits, la fin d’un privilège hérité de la décolonisation.

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