Washington n’a pas eu le temps de souffler. Quarante jours de paralysie budgétaire ont mis l’administration fédérale à genoux, avant que huit sénateurs démocrates ne cèdent dimanche dernier, offrant au président la victoire qu’il réclamait. Dès le lendemain, Donald Trump savourait sa revanche et annonçait un « plan de paix historique » à Gaza, porté devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Le même homme qui, quelques années plus tôt, dénonçait « l’inutilité totale » de l’ONU, se présente désormais comme l’artisan du retour du multilatéralisme.
Le retour opportuniste du multilatéralisme
Selon L’Opinion, les diplomates américains ont déposé un projet de résolution prévoyant le déploiement d’une force internationale dans la bande de Gaza. L’initiative surprend, tant l’ONU a longtemps servi de bouc émissaire au locataire de la Maison-Blanche. En 2018 encore, Donald Trump s’en prenait à l’organisation new-yorkaise pour son « inefficacité » et ses « mots creux ». Aujourd’hui, il en fait un levier diplomatique pour relégitimer sa présidence après une série de revers électoraux.
Cette volte-face s’explique aussi par un calcul stratégique : face à la montée en puissance de la Chine, qui place désormais ses diplomates aux postes clés de l’organisation, Washington veut reprendre la main. La Maison-Blanche soutient la nomination de Rafael Grossi, actuel patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique, au poste de secrétaire général de l’ONU. Une manière de reprendre la direction du jeu mondial, tout en affichant une façade d’ouverture.
Des grâces présidentielles à la chaîne
Mais pendant que Donald Trump rejoue le diplomate, il continue à gouverner par la peur. Depuis son retour au pouvoir, il a accordé des centaines de grâces présidentielles, dont soixante-quinze ces dernières semaines seulement. Parmi les bénéficiaires figurent Rudy Giuliani, son ancien avocat, et Mark Meadows, ex-chef de cabinet, tous deux poursuivis pour leur rôle dans la contestation des élections de 2020.
Ces amnisties, souvent symboliques et juridiquement fragiles, révèlent la logique d’un président qui confond pouvoir exécutif et fidélité personnelle. « Il utilise la grâce pour encourager la désobéissance aux lois », observe Bernadette Meyler, professeure de droit à Stanford, citée par Le Figaro. Le message est clair : sous Trump, la loyauté vaut absolution.
Médias sous pression et justice fragilisée
La scène se répète désormais jusque de l’autre côté de l’Atlantique. À Londres, le directeur général de la BBC, Tim Davie, a démissionné après un scandale autour d’un montage jugé « biaisé » d’un discours de Donald Trump. L’affaire a offert à la droite britannique de nouvelles munitions contre le diffuseur public, et au président américain une victoire symbolique contre ce qu’il appelle « la propagande de gauche mondiale ».
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Aux États-Unis, le bras de fer entre la Maison-Blanche et la justice s’annonce autrement plus explosif. La Cour suprême doit se prononcer sur la légalité des droits de douane massifs imposés par Trump, un pilier de sa politique économique. S’ils étaient invalidés, ce serait un désaveu cinglant pour un président qui revendique le droit d’agir seul « au nom de la sécurité nationale ». « La démocratie américaine ressortirait grandie après avoir été malmenée », estime le chroniqueur Stéphane Lauer dans Le Monde.
Une victoire politique, un isolement durable
À court terme, le président sort renforcé : il a fait plier les démocrates, humilié la BBC et replacé Washington au centre du jeu international. Mais son volontarisme apparent masque un isolement croissant. Le Congrès se divise, les alliés européens se méfient, et une partie de l’opinion s’inquiète d’un pouvoir sans contrepoids.
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Donald Trump se rêve en faiseur de paix, mais gouverne comme un chef assiégé. L’ONU, la diplomatie, les médias, la justice : tout devient instrument d’une mise en scène où la loyauté prime sur le droit. Et où l’homme fort de Washington, loin de se convertir au multilatéralisme, impose simplement sa propre loi au monde.


