Vladimir Poutine conditionne désormais le permis de séjour à un engagement militaire

Depuis un décret signé début novembre par Vladimir Poutine, les étrangers âgés de 18 à 65 ans doivent présenter un contrat d’un an avec l’armée russe pour obtenir ou renouveler leur permis de séjour, sauf certificat de démobilisation ou d’inaptitude. Une nouvelle étape dans la militarisation de la politique migratoire.

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Au Kremlin, le texte est présenté comme une mesure « temporaire ». Dans les faits, il bouleverse les conditions de résidence pour des centaines de milliers d’étrangers installés en Russie, en particulier les travailleurs venus d’Asie centrale. Publié le 5 novembre, le décret n° 821 modifie directement les règles d’attribution des permis de séjour et de la citoyenneté. Les hommes âgés de 18 à 65 ans doivent désormais prouver soit qu’ils sont engagés sous contrat au sein des forces armées russes pendant au moins douze mois, soit qu’ils disposent d’un document attestant leur démobilisation ou leur inaptitude médicale.

Cette réforme s’inscrit dans un contexte de guerre prolongée en Ukraine, alors que Moscou cherche à stabiliser ses effectifs sans déclencher une nouvelle mobilisation générale. Lier statut migratoire et service militaire devient un instrument central de cette stratégie.

Une mesure pensée pour renforcer les rangs de l’armée

Selon le texte du décret, l’obligation vise explicitement les hommes étrangers en âge de servir, à l’exception de certaines nationalités comme les Biélorusses. Pour les autres, l’absence de contrat militaire peut désormais bloquer l’obtention d’un permis de séjour, qu’il s’agisse d’une première demande ou d’un renouvellement.

Depuis 2022, les autorités russes tentent déjà d’intégrer les migrants dans leur politique de recrutement. Plusieurs ONG documentent des pressions exercées dans certains quartiers de Moscou ou Saint-Pétersbourg, où des étrangers se voient proposer un contrat militaire lors de contrôles administratifs. Le nouveau décret formalise cette logique. Un expert du centre d’analyse russe OSW rappelait récemment que « la Russie a fait de la voie militaire un canal prioritaire d’intégration pour les étrangers ».

Pour Moscou, l’objectif est clair : réduire la dépendance à une mobilisation interne impopulaire et compenser les pertes sur le front ukrainien par un recours accru à la main-d’œuvre étrangère.

Un choc pour les travailleurs migrants d’Asie centrale

Les premières réactions viennent des communautés tadjike, kirghize et ouzbèke, nombreuses en Russie dans les secteurs du bâtiment, des services ou de la logistique. Pour elles, le nouveau cadre crée une insécurité immédiate : un simple renouvellement de permis pourrait désormais impliquer de signer un contrat militaire.

Dans plusieurs villes, des associations de défense des migrants conseillent déjà d’éviter les rendez-vous administratifs sans être muni d’un certificat médical ou de démobilisation. Les consulats d’Asie centrale ont, à plusieurs reprises ces dernières années, mis en garde leurs ressortissants contre les risques d’enrôlement forcé. Le décret risque d’intensifier ces tensions diplomatiques.

Au-delà des aspects militaires, la mesure redéfinit aussi la citoyenneté russe. Pour obtenir le passeport, un étranger devra désormais prouver son engagement ou son incapacité à servir. Une transformation profonde du rapport entre État, immigration et identité nationale.

Un signal politique adressé autant à l’intérieur qu’à l’extérieur

Pour le pouvoir russe, cette réforme répond à deux impératifs. Le premier est militaire : continuer de renforcer les effectifs sans annoncer une nouvelle vague de mobilisation. Le second est politique : montrer, à l’intérieur comme à l’international, que la Russie reste capable d’adapter son appareil étatique à un conflit de longue durée.

Les experts soulignent aussi un troisième enjeu : le contrôle de la population étrangère dans un pays où les tensions migratoires ont augmenté ces derniers mois. En liant permis de séjour et engagement dans l’armée, le Kremlin renforce sa capacité de pression sur des groupes qu’il considère comme stratégiques pour l’économie mais susceptibles d’échapper à l’encadrement étatique.

Reste à savoir comment cette politique sera appliquée et quelles marges de manœuvre auront les administrations régionales. Pour l’heure, les premières directives n’ont filtré qu’à travers des centres d’aide juridique et des associations de migrants, qui confirment toutes la mise en œuvre immédiate du décret.

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