Vingt-trois ans après Mission Cléopâtre, le talent d’Alain Chabat résiste encore et toujours à la lourdeur. Retour en Gaulle pour le Combat des Chefs.
Le pari audacieux d’un retour aux sources
Après une aventure dans l’Empire du Milieu qui avait déçu critiques et spectateurs, beaucoup pensait la franchise créée par Goscinny et Uderzo en bout de course. C’était sans compter sur Alain Chabat. Plus de vingt ans après Mission Cléopâtre, l’ex-Nul endosse à nouveau son rôle de scénariste-réalisateur-comédien, mais cette fois dans un format inédit : une mini-série animée en 3D. Coproduite avec le studio toulousain TAT pour une diffusion VOD sur Netflix, le série d’Alain Chabat n’a (presque) rien à envier aux films d’Alexandre Astier et Louis Clichy. Le résultat ? Astérix & Obélix : Le Combat des chefs est un petit miracle de finesse, d’intelligence et de drôlerie, à la hauteur de l’héritage de Goscinny.
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Une seconde adaptation réussie
Adapter la bande-dessiné Le Combat des chefs (1966) était un choix judicieux. Ce septième tome, moins dépaysant certes que celui chez Cléopâtre, s’avère tout de même redoutablement efficace. Il offre le terrain parfait pour un scénario recentré sur le village et ses iconiques habitants. Et ouvre même la porte à quelques flashbacks pour développer les relations entre ses héros. La trame est connue. Déjà adapté en 1989 dans Astérix et le Coup du Menhir. Après un accident de menhir provoqué par Obélix, Panoramix perd la mémoire, et avec elle, la recette de la potion magique. César en profite pour organiser un duel entre chefs gaulois. Afin d’en finir une bonne fois pour toutes avec ces irréductibles gaulois résistant encore et toujours à l’envahisseur.
Chabat et ses complices des Burger Quizz et Late Show (Benoît Oullion et Piano) déroulent cette intrigue classique avec une fraicheur réjouissante, ponctuée de digressions délicieusement absurdes, comme cette improbable thérapie de couple entre Astérix et Obélix . Ou cette séquence psychédélique dans la tête de Panoramix et de son nouvel acolyte pour cette aventure : Barbix.
Une animation fidèle et pop
Visuellement, le pari était risqué : transposer l’univers de la BD en animation 3D sans tomber dans la caricature numérique. Le studio TAT relève le défi avec brio, s’inspirant du travail entreprit en 2014 et 2018 dans les longs-métrages d’Astier et Clichy. On retrouve les rondeurs d’Uderzo, la vivacité des cases et même les imperfections typographiques de la BD d’origine. Onomatopées incrustées, couleurs qui bavent, clairs-obscurs audacieux. Les références pleuvent : Les Douze Travaux d’Astérix, Pulp Fiction, les mosaïques romaines et même le style du jeu vidéo. Le rendu est à la fois dense et lisible, un vrai plaisir des yeux. Un résulat bien éloigné du formatage souvent reproché aux séries animées grand public.
Un casting surprenant
Côté voix, c’est la fête gauloise. Alain Chabat en Astérix. Gilles Lellouche en Obélix (plus convaincant ici que chez Canet). Jérôme Commandeur en mère tyrannique de César. Laurent Lafitte dans le rôle de l’Impertor. Thierry Lhermitte en Panoramix… À ce casting 5 étoiles s’ajoutent Géraldine Nakache, Anaïs Demoustier ou encore Jean-Pascal Zadi. Tous au diapason d’une direction d’acteurs précise, où le rythme comique de Chabat côtoie des instant plus tendres et émouvants. Le tout baigne dans une bande-son habilement dosée. Entre bande originale classique signée Mathieu Alvado (rappelant la partition de John Williams sur Tintin et le Secret de la Licorne) et quelques clins d’œil pop décalés que nous vous laisserons découvrir.
Mais c’est peut-être ce casting de star la seule faiblesse de ce Astérix & Obélix : Le Combat des chefs. La série souffre de la comparaison avec le travail d’Alexandre Astier. Réputé pour sa rigueur dans son écriture comme dans ses choix de comédiens, le réalisateur de Kaamelott et de deux adaptations animées pour le grand écran des aventures des gaulois les plus célèbre de la culture pop, avait sût judicieusement trouver les interprètes adaptés aux rôles des guerriers moustachus.
Difficile de trouver un Thierry Lhermitte à la voix grave et caverneuse aussi convaincant qu’un Bernard Alane à la voix espiègle et fluette, dans le rôle du druide Panoramix. Laurent Lafitte, comme à son habitude, joue Laurent Lafitte et ne convainc pas un instant en César. Et presque tous les choix de Chabat sont du même acabit. Si bien qu’à la fin du premier épisode on se prête déjà au jeu de se demander quels comédiens auraient dû échanger leurs rôles. Astier et Lafitte, leurs rôles de César et du poissonnier Ordralfabétix. Gilles Lelouch et Gregory Gadebois, leurs rôles d’Obélix et Aplusbégalix. Etc.
Ces choix curieux ont malheureusement l’effet de sortir plus d’une fois le spectateur de l’histoire, nous faisant voir les comédiens plutôt que les personnages. On regrette que Chabat n’ait pas fait appel à nouveau à Daniel Mesguich, Lorànt Deutsch, ou Lionel Astier.
Une série engagée mais sans lourdeur
Sous des apparences comiques, la série distille comme à son habitude un discours plus profond qu’il n’y paraît. Se voulant davantage une satire bon enfant de notre société, qu’une comédie mettant en scène des gaulois. Le combat de Chefs met en scène de nombreux sujets actuels et politique : colonialisme, collusion (voir collaboration), surveillance, autoritarisme mou… Tout y passe avec autant de légèreté que de pertinence. Comme toujours chez Chabat, la satire côtoie l’humour révolue du Canal+ des années 2000, et c’est ce qui fait la force du projet. On rit, mais pas bêtement.
De quoi être excité alors que les rumeurs d’une collaboration entre Alain Chabat et Anne Goscinny, pour la réalisation d’un tome inachevé du père de cette dernière, commence à poindre…
En résumé
Avec sa nouvelle série Astérix & Obélix : Le Combat des Chefs, Alain Chabat prouve qu’il reste le seul véritable détenteur de la potion magique aussi bien sur le petit que le grand écran. Un divertissement malin, drôle, visuellement splendide et narrativement riche. Une potion magique dont Netflix serait bien inspiré de nous resservir une louche.
« Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs » est disponible en intégralité depuis le 30 avril sur Netflix.