Céline Dion, la voix du temps

Dans Céline Dion, 45 ans de succès, album par album (Éditions Hors Collection), le journaliste Jérémy Parayre retrace, disque après disque, l’itinéraire d’une chanteuse devenue mythe. Un portrait à la fois musical et intime d’une femme que la fragilité n’a pas effacée du cœur du public.

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Celine Dion

Il fallait une passion et une patience de collectionneur pour oser s’attaquer à pareille discographie. Quarante-cinq ans de carrière, vingt-sept albums studio, des centaines de chansons qui ont bercé plusieurs générations. Jérémy Parayre s’y plonge avec méthode et tendresse. Son livre n’est pas un catalogue de tubes, mais une fresque : celle d’une artiste qui, de Charlemagne à Las Vegas, a bâti une œuvre d’une cohérence inattendue, entre ferveur populaire et perfectionnisme d’orfèvre.

L’auteur, journaliste à Télé 7 Jours et spécialiste de la chanson française, ouvre chaque chapitre comme on soulève le rideau d’une scène. Il y raconte les enregistrements fiévreux, les paris esthétiques, les collaborations décisives. On y croise Luc Plamondon, Jean-Jacques Goldman, David Foster, René Angélil, autant d’ombres tutélaires qui ont forgé la légende d’une voix.

Le miracle d’une longévité

Le livre offre un fil conducteur rare : celui d’une carrière qui a traversé quatre décennies sans rupture. Car Céline Dion n’a jamais cherché la modernité pour elle-même ; elle l’a absorbée, apprivoisée, parfois même précédée. Des orchestrations de Goldman dans D’eux à la pop cristalline de A New Day Has Come, son parcours épouse l’histoire musicale du monde, sans jamais perdre sa couleur propre.

Dans les années 1990, elle chante la démesure et l’amour universel, The Power of Love, Because You Loved Me, My Heart Will Go On, hymnes planétaires que d’autres auraient rendus mièvres, mais que sa sincérité désarme. Puis vient le temps de l’endurance : ses résidences à Las Vegas, où elle réinvente le concert populaire, avant d’oser des registres plus dépouillés, plus introspectifs.

L’émotion comme seul manifeste

Jérémy Parayre ne cherche pas à déconstruire la star : il la regarde chanter. Ce qui l’intéresse, c’est la mécanique du sentiment, cette manière qu’a Céline Dion de tout livrer sans cynisme. L’émotion, chez elle, n’est pas un effet : c’est un engagement. Elle chante comme on prie : avec la conviction que la beauté, parfois, peut sauver quelque chose.

Et puis il y a la fragilité, ce mot qu’elle a longtemps refusé et qu’elle porte aujourd’hui avec dignité. La maladie qui l’a contrainte au silence n’a pas terni l’aura : au contraire, elle lui donne un relief nouveau. On ne parle plus seulement d’une chanteuse, mais d’une femme qui résiste à l’effacement, symbole d’une génération entière attachée à une idée simple de la sincérité.

La diva et nous

À travers ce livre hommage, Jérémy Parayre signe autant un portrait de Céline Dion qu’une chronique de notre époque. Car en suivant la trace de ses disques, il raconte aussi la mutation d’une industrie musicale passée du vinyle au streaming, du culte de la voix à celui de l’image. Et si Céline Dion continue de toucher le public, c’est peut-être parce qu’elle incarne l’inverse de notre époque : la constance, la ferveur, la foi en la chanson comme lien universel.

Ce livre se lit comme on feuillette un album photo, avec un mélange de nostalgie et d’admiration. Il rappelle que certaines voix échappent au temps. Et qu’au-delà des palmarès, des records et des shows grandioses, Céline Dion demeure ce qu’elle a toujours été : une femme qui chante comme on respire.

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Après des études en Affaires Publiques et à HEC Montréal, Timothé devient journaliste pigiste. Il collabore avec de nombreux médias français depuis Montréal.
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