Harcèlement en ligne : TF1 muscle sa stratégie de protection autour de la Star Academy

Après une saison marquée par une vague d’insultes et de menaces en ligne visant plusieurs candidats, TF1 et la production d’Endemol France ont adopté un dispositif renforcé pour lutter contre le cyberharcèlement. Entre prévention, accompagnement psychologique et signalement judiciaire, la chaîne veut afficher sa fermeté.

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Ebony et Marine, lors de la finale de la star academy
Ebony et Marine, lors de la finale de la Star Academy 2024

La nouvelle saison de la Star Academy s’ouvre pour TF1 dans un climat de vigilance. Si le télécrochet emblématique promet encore émotions et compétition musicale, l’enjeu cette année dépasse le cadre du divertissement. La chaîne privée entend désormais se doter d’outils concrets pour protéger ses candidats face à ce qui est devenu un phénomène structurel : la haine en ligne. L’an dernier, la finale avait dégénéré en défouloir numérique, provoquant des campagnes d’insultes racistes et sexistes contre la finaliste Ebony Cham. Sa rivale Marine avait, elle aussi, essuyé des attaques à caractère raciste. L’affaire avait choqué jusque dans la classe politique et avait contraint TF1 à réagir publiquement.

Dès l’ouverture de cette nouvelle édition, la chaîne a diffusé un message d’avertissement sur les réseaux sociaux : « La haine et le harcèlement n’ont aucune place ici », a rappelé officiellement la production dans un communiqué relayé sur X. Le ton se veut préventif, assumé et plus offensif que lors des précédentes saisons. Le message appelle à la « bienveillance » et s’accompagne d’un engagement public de TF1 : tout propos haineux ou diffamatoire sera signalé aux autorités judiciaires et aux plateformes concernées.

Des mesures d’encadrement inédites

Face à la répétition des déferlantes numériques, TF1 et Endemol ont instauré une série de mesures internes destinées à protéger les apprentis chanteurs. Jean-Louis Blot, président d’Endemol France, détaille la nouvelle procédure. « Chaque candidat reçoit un entretien individuel », explique-t-il dans un entretien accordé au HuffPost. « On leur explique que la Star Academy est une fête, mais aussi qu’il faut être vigilant face aux réseaux sociaux. On ouvre le dialogue avec eux et on leur dit clairement qu’il va y avoir de la haine ».

Outre cette sensibilisation en amont, la production a décidé d’entourer les familles. « Nous faisons un travail de prévention avec les proches des élèves », poursuit Jean-Louis Blot. Il affirme que « depuis deux ans, nous avons une psychologue dédiée aux familles des élèves » pour anticiper les conséquences émotionnelles du cyberharcèlement. L’objectif affiché est d’éviter les « chocs secondaires » que provoquent les commentaires violents, souvent lus d’abord par les proches avant de parvenir aux candidats.

Accompagnement juridique et traque des messages violents

La chaîne ne se limite plus à un rôle d’observateur. Elle s’engage désormais sur le terrain juridique. « Nous procédons à des signalements au procureur de la République si nécessaire », affirme Jean-Louis Blot dans la même interview. Si Endemol ne peut « pas porter plainte à la place des élèves », le producteur rappelle que chaque candidat peut être accompagné s’il souhaite le faire. L’année dernière, des associations comme SOS Racisme avaient déjà porté plainte contre des auteurs de messages injurieux visant Ebony, contribuant à faire évoluer le débat public sur la responsabilité des plateformes.

Pour cette nouvelle saison, la chaîne a renforcé la modération des réseaux sociaux. Une équipe dédiée surveille en temps réel les comptes liés à l’émission. En cas de débordement, les modérateurs signalent immédiatement les contenus haineux à X, Instagram ou TikTok. TF1 se réserve également « le droit d’engager toute action nécessaire » contre les auteurs de harcèlement en ligne, selon son communiqué.

Une réponse tardive après des années d’aveuglement

Ces mesures ne relèvent pas seulement de la communication. Elles traduisent un changement d’attitude de TF1 après plusieurs saisons durant lesquelles la chaîne a minimisé l’ampleur du cyberharcèlement, quand elle ne s’en est pas accommodée. Pendant longtemps, la mécanique des réseaux sociaux — commentaires en direct, votes massifs, hashtags sponsorisés, faisait partie intégrante de la dramaturgie du programme. Mais ces outils d’engagement ont ouvert la porte à des dérives violentes, difficiles à contrôler.

En exposant de jeunes candidats à une notoriété soudaine sans les armer contre ses effets pervers, le groupe audiovisuel a pris le risque de laisser prospérer des déferlantes racistes, sexistes ou diffamatoires. La direction reconnaît aujourd’hui implicitement une forme de responsabilité. « Nous ne laissons plus rien passer », prévient TF1. Reste à savoir si ce tournant s’accompagnera d’une stratégie durable ou s’il ne s’agit que d’une réaction sous pression médiatique.

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Après des études en Affaires Publiques et à HEC Montréal, Timothé devient journaliste pigiste. Il collabore avec de nombreux médias français depuis Montréal.
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