Dans la nuit du 9 au 10 novembre, plusieurs lingots d’or anciens ont disparu des salles du musée national syrien de Damas. Le vol, confirmé à l’AFP par une source proche de la direction et par une source de sécurité, s’est produit dans l’aile dite classique, l’une des plus riches du pays en vestiges hellénistiques, romains et byzantins. Le musée, qui avait été épargné par la guerre civile entre 2011 et 2024, abrite des dizaines de milliers de pièces, dont une large partie avait été transférée depuis des zones de combat pour éviter les pillages.
Selon une source interne, « six pièces ont été dérobées dans l’aile classique », sans précision sur leur datation exacte. La direction du musée n’a pas souhaité commenter, se contentant d’indiquer que l’établissement resterait fermé « pour des raisons de sécurité » avant une réouverture prévue la semaine prochaine.
Un vol qui interroge la chaîne de sécurité
Dès le lendemain, les forces de sécurité ont interrogé plusieurs employés et gardes. Une source sécuritaire a confirmé que ces personnes « ont été appréhendées puis relâchées après un premier interrogatoire ». L’accès aux salles d’exposition est désormais strictement interdit au personnel, selon un responsable de la direction des Musées qui a requis l’anonymat. Mardi, les journalistes de l’AFP n’ont pas pu pénétrer dans le bâtiment, mais ont constaté une situation normale aux abords de l’établissement, fermé comme chaque mardi au public.
Ce cambriolage intervient dans un musée déjà fragilisé. En décembre 2024, l’institution avait fermé ses portes quelques semaines avant la chute du régime de Bachar al Assad face à une coalition islamiste. L’objectif était alors d’éviter les pillages, redoutés depuis longtemps par les archéologues syriens et les organisations internationales.
Un patrimoine dévasté depuis 2011
Le musée national avait rouvert début 2025, après la sécurisation d’une partie des collections. De nombreux vestiges, parfois plusieurs milliers, avaient été transférés dans ses réserves pour les protéger des combats. Durant la guerre civile, des sites majeurs ont été bombardés, plusieurs musées ont été dépouillés et des dizaines de milliers de pièces archéologiques ont quitté illégalement le pays. Les trafiquants, profitant de l’effondrement institutionnel, ont écoulé ces trésors pour des montants de plusieurs millions de dollars sur les marchés clandestins du Proche-Orient et d’Europe.
Ce nouveau vol rappelle l’extrême vulnérabilité du patrimoine syrien, malgré la présence de dispositifs de sécurité et la centralisation des pièces dans la capitale. Un responsable du ministère syrien de la Culture, qui suit de près les dossiers de trafics, estime que les lingots dérobés pourraient alimenter « un marché parallèle très structuré, où circulent des objets d’une valeur historique immense ». Les autorités n’ont toutefois pas encore communiqué officiellement sur l’enquête.
Un symbole de fragilité nationale
Pour les spécialistes de la région, cet épisode met en lumière l’état d’incertitude persistant dans un pays encore fracturé. Le musée national syrien, considéré comme l’un des plus importants du monde arabe, conserve des collections couvrant plus de dix millénaires d’histoire, des outils préhistoriques aux œuvres de l’art islamique. Sa sécurité avait pourtant été renforcée ces derniers mois, alors que la Syrie tente de stabiliser ses institutions culturelles.
À Damas, les questions se multiplient désormais sur les responsabilités internes, l’efficacité de la surveillance nocturne et la possibilité d’un repérage préalable. Aucune piste n’est écartée par les enquêteurs, qui cherchent toujours à déterminer comment les voleurs ont pu accéder à une aile réputée hautement sécurisée.


