Dans les allées du hall 2, entre les démonstrations de robots humanoïdes et les pitchs de solutions d’IA générative, ils sont quelques-uns à défendre une autre forme d’innovation. Moins spectaculaire, plus politique. Pasqal, Helsing, Gatewatcher ou Filigran représentent une nouvelle génération de start-up duales : à la fois civiles et militaires.
Elles sont soutenues, parfois discrètement, par les États. Pasqal, pionnière du calcul quantique fondée par Alain Aspect, travaille déjà avec des ministères sur des simulations de sécurité énergétique ou des systèmes de chiffrement. Gatewatcher, de son côté, équipe plusieurs opérateurs d’importance vitale et revendique un dialogue régulier avec les autorités françaises.
Des financements encore frileux
Mais cette montée en puissance reste freinée par un problème structurel : le financement. « Sur une levée de fonds classique, dès qu’on dit qu’on travaille avec la DGA, on voit certains investisseurs se tendre », confie un fondateur présent au salon. En cause, la complexité réglementaire, les contraintes à l’export, et l’image encore sensible des technologies militaires dans l’imaginaire collectif des milieux tech.
La France tente pourtant de structurer un écosystème. Le ministère des Armées a lancé plusieurs programmes d’accompagnement, dont Definvest et les appels à projets AID. La Commission européenne, de son côté, soutient Helsing par le biais du Fonds européen de défense. Mais ces dispositifs publics ne suffisent pas à créer une dynamique comparable à celle qu’on observe aux États-Unis ou en Israël, où le lien entre innovation et défense est depuis longtemps intégré.
Une culture industrielle cloisonnée
« En Europe, la culture industrielle est plus cloisonnée. Il y a encore un blocage à investir dans des boîtes qui touchent au militaire, même indirectement », analyse un partenaire de fonds parisien. Les cycles d’achat étatiques, très longs, dissuadent aussi certains profils de start-up, habitués à itérer vite. « On peut mettre deux ans à obtenir une certification. Pour une entreprise de douze salariés, c’est un risque colossal. »
Reste la question stratégique. Face à la montée des tensions internationales, au retour des conflits de haute intensité et à la dépendance croissante aux technologies extra-européennes, les discours sur la souveraineté se multiplient. Mais dans les faits, les entreprises françaises présentes à VivaTech cherchent encore leur modèle. Moins tournées vers la vente d’armes que vers l’analyse de données ou la protection des infrastructures critiques, elles doivent convaincre qu’elles ne sont pas que des sous-traitants masqués de l’État.
Un sujet encore marginal au sein du salon
La défense européenne ne se construira pas sans elles. Mais elle ne se construira pas non plus sans un changement profond du regard porté sur ces technologies. À VivaTech, le sujet reste périphérique. Mais il est là.