C’est un avertissement sans fard adressé à la France. Vendredi soir, l’agence américaine Standard & Poor’s a abaissé la note de crédit du pays de AA− à A+. Si la France conserve une signature jugée solide sur les marchés, ce déclassement confirme une dégradation durable de sa crédibilité financière. L’agence justifie sa décision par l’absence de trajectoire budgétaire crédible et par une instabilité politique jugée préoccupante, à un moment où la dette publique atteint 110,6 % du PIB et où le déficit flirte avec les 5,5 %. Pour la première fois, la perception internationale du risque français repose autant sur l’équation politique que sur les comptes publics.
Une sanction politique avant d’être économique
Standard & Poor’s met clairement en cause « la fragmentation parlementaire et l’incertitude politique » qui compliquent, selon l’agence, la mise en œuvre de réformes structurelles et de mesures d’économies. Depuis les législatives anticipées et l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement navigue à vue. La succession de textes budgétaires adoptés via l’article 49.3 et les tensions avec les oppositions ont accentué les doutes sur la capacité de l’exécutif à redresser les finances publiques.
Dans son rapport, S&P estime que la réduction du déficit dépend « de manière significative de décisions politiques incertaines ». En d’autres termes, la France n’est pas sanctionnée pour son économie, dont la croissance reste modérée, mais pour son instabilité institutionnelle et la difficulté à dégager une ligne budgétaire claire. Le signal est lourd : les marchés regardent désormais la situation politique française comme un facteur de risque financier.
Une note symbolique mais un vrai coût financier
Cette dégradation n’implique pas de risque immédiat de défaut de l’État français. Mais elle pourrait entraîner un surcoût progressif sur le financement de la dette, qui dépasse aujourd’hui 3 200 milliards d’euros. Plus une note souveraine baisse, plus les investisseurs exigent une prime de risque pour prêter. Selon plusieurs économistes, un simple relèvement de 0,1 point du taux d’intérêt moyen représenterait près de 3 milliards d’euros de charges supplémentaires par an pour l’État.
La décision tombe à un moment sensible pour Bercy, déjà confronté à la nécessité de trouver entre 20 et 30 milliards d’euros d’économies en 2025. Bruno Le Maire a tenté d’éteindre l’incendie en estimant que cette dégradation « ne change rien à la détermination du gouvernement à réduire la dette ». Un message qui peine à convaincre : Standard & Poor’s souligne précisément le manque de crédibilité du calendrier budgétaire annoncé par l’exécutif.
Vers une pression accrue des marchés et de Bruxelles
La France est désormais classée A+ chez S&P, un niveau inférieur à celui de l’Allemagne, des Pays-Bas ou du Danemark, mais équivalent à celui du Royaume-Uni. Elle conserve une note supérieure à l’Italie ou à l’Espagne. Le véritable enjeu se jouera au printemps prochain, lorsque Bruxelles évaluera les mesures françaises dans le cadre du nouveau Pacte de stabilité. Plusieurs responsables européens pressent déjà Paris d’engager un plan d’assainissement réel, sous peine de sanctions.
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Cette dégradation pourrait également fragiliser les grandes entreprises françaises, dont les taux d’emprunt sont parfois indexés sur celui de l’État. Elle renforce enfin la pression sur la Banque centrale européenne : une France affaiblie financièrement pose un risque systémique pour la zone euro.
Dans sa décision, S&P rappelle que la note pourrait être à nouveau abaissée si la situation politique continuait d’entraver les réformes budgétaires. La menace est claire : sans stabilité, il n’y aura pas de crédibilité financière retrouvée. La France n’est pas au bord d’une crise, mais elle est désormais prévenue : le temps des avertissements touche à sa fin.


