Les plateformes Shein et Temu, emblèmes du commerce en ligne à bas prix, sont une nouvelle fois mises en cause. Dans une enquête commune, l’UFC-Que Choisir et trois associations européennes, Test-Achats en Belgique, Forbrugerrådet Tænk au Danemark et Stiftung Warentest en Allemagne, ont acheté et testé plus d’une centaine de produits mis en vente sur les deux géants du e-commerce. Leur constat est sans appel : une majorité d’entre eux s’avère non conforme, voire dangereuse pour les consommateurs.
Les associations ont commandé 54 chargeurs USB et 54 jouets auprès de vendeurs tiers actifs sur les plateformes, puis soumis ces produits à une batterie d’analyses électriques, mécaniques et chimiques. Les résultats, publiés jeudi, confirment les soupçons récurrents sur la qualité des articles à bas prix expédiés directement depuis la Chine.
Des chargeurs qui surchauffent et s’enflamment
Sur les 54 chargeurs testés, vendus entre 2 et 19 euros, 14 ont dépassé la température maximale autorisée de 87 °C, et un modèle a atteint jusqu’à 102 °C. Quatre autres présentaient un écart trop faible entre circuits haute et basse tension, créant un risque d’arc électrique susceptible de provoquer un incendie. Plusieurs n’indiquaient pas la puissance réelle ni le marquage CE obligatoire.
« Beaucoup de ces produits d’entrée de gamme faisaient courir de réels risques de brûlure, de choc électrique et d’incendie », alerte l’UFC-Que Choisir. Des défaillances d’autant plus préoccupantes que ces objets sont parmi les plus vendus sur ces plateformes, souvent livrés sans contrôle préalable et accompagnés de notices imprécises.
L’association dénonce un système de vente reposant sur des « vendeurs tiers » impossibles à identifier et qui échappent souvent aux régulations européennes. Ces intermédiaires profitent d’un vide juridique : leurs produits entrent sur le marché européen via des colis de faible valeur qui ne font l’objet d’aucune vérification systématique aux frontières.
Des jouets dangereux pour les enfants
Les tests réalisés sur les jouets ont révélé des anomalies similaires. La moitié des 54 produits présentaient des pièces détachables trop petites, présentant un risque d’ingestion pour les jeunes enfants. Trois modèles à piles possédaient un compartiment qui s’ouvrait trop facilement. Un autre contenait des taux de formaldéhyde, substance classée cancérogène, cinq fois supérieurs à la limite autorisée pour les textiles destinés aux enfants.
« La qualité de fabrication de certains jouets est catastrophique », note l’UFC-Que Choisir. « Ils cumulent les risques chimiques, électriques et mécaniques ». Plusieurs jouets testés dégageaient aussi des odeurs chimiques fortes, signe d’une utilisation de solvants interdits dans la fabrication européenne.
Les associations soulignent que seuls 10 % des produits testés pouvaient être considérés comme conformes à l’ensemble des exigences européennes. « Cette situation illustre les limites d’un modèle de vente qui contourne les contrôles classiques au nom de la rapidité et du prix », estime un expert de Stiftung Warentest.
Vers un encadrement plus strict des importations chinoises
Interrogé par l’AFP, Shein a assuré avoir « immédiatement retiré les articles concernés et lancé un rappel mondial ». Temu, de son côté, n’a pas réagi. Mais pour les associations, le problème dépasse ces deux plateformes. « Ces cas illustrent une défaillance structurelle du contrôle des produits importés », résume l’UFC-Que Choisir, qui appelle les autorités européennes à agir.
Bruxelles prépare déjà un durcissement du cadre réglementaire. La Commission a proposé d’instaurer, dès 2026, une taxe forfaitaire de 2 euros sur chaque colis d’une valeur inférieure à 150 euros entrant dans l’Union. L’objectif : freiner l’afflux massif de petits envois non contrôlés, plus de quatre milliards par an, et financer des inspections douanières renforcées. Cette mesure figure également dans le projet de budget français pour 2026, actuellement examiné à l’Assemblée nationale.
Pour les plateformes concernées, l’enjeu est de taille. Shein et Temu, qui cumulent plus de 150 millions d’utilisateurs en Europe, doivent désormais convaincre qu’elles peuvent concilier prix cassés et conformité. L’UFC-Que Choisir, elle, prévient que ce type de scandale risque de se multiplier tant que les contrôles resteront insuffisants : « Les consommateurs européens doivent comprendre qu’acheter à très bas prix, c’est aussi prendre un risque réel. »


