À Fos-sur-Mer, les dockers bloquent des cargaisons d’armes pour Israël : le gouvernement sommé de réagir

Des dockers du port de Marseille-Fos ont empêché le chargement de trois conteneurs contenant des composants militaires à destination d’Israël. Ce geste de désobéissance syndicale, motivé par la situation à Gaza, provoque une onde de choc politique.

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« Les dockers et portuaires du golfe de Fos ne participeront pas au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien. » Le communiqué de la CGT des ouvriers dockers est sans appel. Mercredi 4 et jeudi 5 juin, les agents portuaires de Marseille-Fos ont bloqué le chargement de trois conteneurs de matériel militaire français à destination d’Israël. En ligne de mire : 14 tonnes de maillons pour fusils-mitrailleurs fabriqués par l’entreprise marseillaise Eurolinks, et des tubes de canons produits par Aubert & Duval, en passe d’être acheminés vers Haïfa.

Un geste de rupture

Alertés par les enquêtes conjointes de Disclose et du média irlandais The Ditch, les dockers ont décidé de s’opposer physiquement au départ du cargo Contship Era, affrété par la compagnie israélienne Zim. À l’intérieur des conteneurs, du matériel commandé par Israel Military Industries, filiale du géant Elbit Systems, présenté comme « fournisseur exclusif des forces israéliennes de défense ».

Cette action n’est pas isolée : les dockers du port de Gênes, où le navire devait faire escale, ont annoncé leur intention d’en faire autant. « Désarmons-les », proclame déjà leur mot d’ordre de grève prévu le 20 juin.

Une responsabilité française pointée du doigt

En mars 2024, le ministère des Armées affirmait que les composants exportés devaient être « réexportés » par Israël vers des pays tiers. Mais selon la journaliste Ariane Lavrilleux, auteure de l’enquête de Disclose, aucun mécanisme de contrôle ne permet de vérifier cette « réexportation ». En l’absence de transparence, des ONG comme Amnesty International estiment que la France pourrait être « exposée au risque de complicité de génocide ».

Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, « ce n’est pas aux dockers de faire respecter le droit international ». Même ton du côté d’Amnesty International ou d’Action sécurité éthique républicaines (ASER), qui rappelle que cette exportation violerait potentiellement les articles 6 et 11 du Traité sur le commerce des armes.

Soutiens politiques et silence officiel

L’acte de résistance des dockers a reçu un large soutien à gauche : Olivier Faure évoque un « humanisme qui n’est pas à vendre », Jean-Luc Mélenchon réclame « un embargo maintenant sur les armes du génocide ». Le silence des autorités contraste avec l’ampleur médiatique du dossier. Contactés par plusieurs médias, ni la présidence de la République ni le préfet des Bouches-du-Rhône n’ont réagi.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, continue d’affirmer que « la France ne fournit pas d’armes à Israël ». Une déclaration difficile à tenir au vu des documents révélés, qui attestent d’au moins trois expéditions similaires depuis le début de l’année.

Une ligne de fracture internationale

Le cas français isole Paris sur la scène internationale. Tandis que l’Espagne a suspendu toutes ses livraisons d’armes à Israël, la France peine à traduire ses déclarations diplomatiques en actes. Emmanuel Macron a pourtant évoqué récemment une éventuelle reconnaissance de l’État de Palestine.

Dans un contexte où le nombre de victimes dans la bande de Gaza dépasse les 54 000 morts selon le ministère de la Santé local, les livraisons françaises d’équipements militaires prennent une signification politique lourde. Et posent une question simple : jusqu’où la France ira-t-elle dans son ambiguïté ?

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