Boualem Sansal gracié par Alger après un an de détention

Le romancier franco-algérien, condamné à cinq ans de prison en mars, a été libéré mercredi à la faveur d’une grâce présidentielle. Un dénouement obtenu après une médiation de l’Allemagne, alors que la France restait enlisée dans la crise diplomatique avec Alger.

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Boualem Sansal

Presque un an jour pour jour après son arrestation, l’écrivain Boualem Sansal a retrouvé la liberté. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accordé mercredi 12 novembre une grâce « pour raisons humanitaires » à l’auteur du Serment des barbares, âgé de 80 ans et gravement malade. Une décision qui met fin à un bras de fer diplomatique de près de douze mois, où Paris, impuissant, a finalement cédé la place à Berlin.

L’Allemagne en médiatrice

L’initiative est venue du président allemand Frank-Walter Steinmeier, qui a adressé lundi un appel public à son homologue algérien pour un « geste humanitaire ». « Un tel geste serait l’expression d’une attitude humanitaire et d’une vision politique à long terme », a-t-il déclaré, tout en proposant que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour y recevoir des soins médicaux.

Ce plaidoyer a débloqué une situation devenue « embarrassante », selon plusieurs sources diplomatiques à Alger. Le chef de l’État algérien prépare une visite officielle à Berlin début 2026 et ne souhaitait pas que le dossier Sansal pèse sur la relation entre les deux pays. L’Allemagne, qui avait déjà accueilli Abdelmadjid Tebboune pour des soins en 2020, apparaissait comme un partenaire neutre et fiable, contrairement à la France, engluée dans des querelles mémorielles et politiques avec Alger.

Un écrivain symbole de liberté

Arrêté le 16 novembre 2024 à Alger, Boualem Sansal avait été condamné en mars dernier à cinq ans de prison pour « atteinte à l’intégrité du territoire » et « outrage à corps constitué ». Des accusations jugées absurdes par son entourage, qui les rattachaient à ses critiques répétées contre le régime et l’islamisme.

Écrivain majeur de la francophonie, récompensé par le grand prix du roman de l’Académie française pour 2084. La fin du monde et par le prix de la paix des libraires allemands, il avait été élu en octobre à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, geste fort de solidarité du monde des lettres. Son éditeur Antoine Gallimard, qui préside le comité de soutien créé à Paris, saluait déjà ces dernières semaines « un combat pour la liberté d’écrire et de penser ».

« Une voix qui ne s’éteint pas »

La libération de Boualem Sansal a suscité une pluie d’hommages. « Un courage rare et une plume d’une grande élégance », a salué la ministre Prisca Thévenot. Marine Le Pen, Jordan Bardella et plusieurs députés de la majorité ont également exprimé leur « soulagement ».

À Paris, l’annonce a provoqué des applaudissements à l’Assemblée nationale. « Je veux vous dire ma très grande joie d’apprendre la libération de Boualem Sansal », a lancé le député Olivier Falorni.

De son côté, la Société de soutien international a rappelé que « l’enfermement d’un écrivain étend la portée de sa voix ». Dans un texte publié depuis sa cellule, Boualem Sansal écrivait encore : « Seul le désir de liberté sauvera l’homme de la haine et du ressentiment. »

Un dégel prudent entre Paris et Alger

Si la France ne revendique aucun rôle direct dans cette issue, des signaux d’apaisement se multiplient. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a été invité à Alger pour préparer une reprise du dialogue interrompu depuis un an. « Ceux qui croient que la méthode du bras de fer est la seule issue se trompent », a-t-il déclaré récemment.

Pour le pouvoir algérien, cette grâce, intervenue à la veille du procès en appel du journaliste français Christophe Gleizes, marque une ouverture diplomatique sans concession : un geste humanitaire, mais sans excuses.

Boualem Sansal, lui, devrait bientôt rejoindre l’Allemagne pour y être soigné. L’homme qui affirmait s’être « mis à écrire comme on enfile une tenue de combat » retrouve enfin sa liberté et avec elle, sa voix.

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