Cécile Kohler et Jacques Paris, la fin de 3 ans et demi dans l’enfer iranien

Arrêtés en 2022 lors d’un voyage touristique, les deux enseignants français ont passé plus de trois ans dans les prisons de Téhéran. Leur libération, annoncée mardi soir, met un terme à l’un des plus longs calvaires diplomatiques de la Ve République. Portrait d’un couple de convictions broyé par la raison d’État.

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Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans en Iran, ont été libérés
Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans en Iran, ont été libérés.

Cécile Kohler et Jacques Paris ne rêvaient que d’un séjour culturel. Le 7 mai 2022, la syndicaliste alsacienne et son compagnon nantais s’apprêtaient à rentrer en France après deux semaines en Iran. À l’aéroport de Téhéran, ils disparaissent. Le ministère iranien du Renseignement les accuse aussitôt d’espionnage pour la France et Israël. À Paris, la nouvelle provoque la stupeur. Les deux enseignants, engagés et discrets, n’avaient jamais eu la moindre activité politique. Ils rejoignent la prison d’Evin, haut lieu de la répression iranienne, où s’écrivent certaines des pages les plus sombres du régime.

Trois années de captivité et d’angoisse

Dans les mois qui suivent, aucune image, aucun contact. Les rares appels téléphoniques obtenus par leurs familles traduisent une lente descente aux enfers. « Nous ne pourrons plus tenir trois mois de plus », confie Cécile à sa sœur Noémie en octobre dernier. Jacques, 72 ans, ancien professeur de mathématiques au lycée Clemenceau de Nantes, murmure à sa fille Anne-Laure : « Je regarde la mort en face. » Les mots claquent comme une supplique. Les proches parlent de torture psychologique, de cellules sans lumière, d’isolement total.

D’après leurs avocats, les deux Français ont été soumis à des interrogatoires interminables, sans accès à la défense ni visite consulaire. Cécile, 41 ans, partageait une cellule exiguë avec plusieurs codétenues, ne sortant que deux fois par semaine dans une cour bétonnée. Jacques, lui, a connu la section 209 d’Evin, tristement célèbre pour ses sévices. En juin 2025, quand les bombardements israéliens frappent la capitale, le couple est transféré vers un lieu inconnu. La famille perd toute trace d’eux pendant près d’un mois.

En Iran, l’arme des otages d’État

Comme d’autres ressortissants occidentaux, Cécile Kohler et Jacques Paris sont devenus une monnaie d’échange dans la stratégie du régime iranien. Depuis l’arrestation de l’universitaire Fariba Adelkhah en 2019, Téhéran multiplie les détentions arbitraires pour peser sur les négociations nucléaires. « Leur seul crime est d’être français », plaide l’avocat Martin Pradel, dénonçant un cynisme d’État. En juillet 2022, la télévision iranienne diffuse même une vidéo d’« aveux » forcés : Cécile et Jacques y reconnaissent travailler pour la DGSE. Paris dénonce une mise en scène « indigne et grotesque ».

Condamnés en octobre 2025 à vingt et dix-sept ans de prison pour « corruption sur terre » et « complot contre le régime », ils deviennent le symbole de la politique d’otages d’État. La mobilisation s’organise en France : pétitions, concerts de soutien, banderoles accrochées aux façades des mairies. À Nantes comme à Mulhouse, leurs proches refusent le silence. « Chaque jour de plus engage l’État français », martèle la sœur de Cécile.

Le dénouement d’une diplomatie de l’ombre

C’est dans la discrétion que Paris a négocié leur libération. Le canal suisse, médiateur traditionnel, mais aussi le sultanat d’Oman, ont multiplié les échanges avec Téhéran. Emmanuel Macron évoquait encore « un combat de chaque jour ». Les discussions s’intensifient à l’automne, alors que d’autres prisonniers occidentaux sont relâchés. Mardi 4 novembre, le président annonce enfin sur X « un soulagement immense ». Après 1 277 jours d’enfermement, Cécile Kohler et Jacques Paris quittent la prison d’Evin.

Mais la liberté reste partielle : les deux enseignants ont été transférés à la Résidence de France à Téhéran, en attente d’une autorisation de sortie du territoire. Le Quai d’Orsay parle de « première étape », préférant éviter tout triomphalisme. Les diplomates le savent : les autorités iraniennes se réservent encore le dernier mot.

Un couple de conviction et d’humanité

Cécile Kohler s’était engagée jeune au sein de Force ouvrière, défendant la condition enseignante avec une détermination rare. Chargée des relations internationales, elle représentait son syndicat dans plusieurs forums européens. Son compagnon, Jacques Paris, retraité de l’Éducation nationale, partageait la même curiosité pour les cultures étrangères. Tous deux aimaient l’idée d’un monde à taille humaine, de transmission et de savoir. Ils n’étaient ni militants révolutionnaires ni espions, mais simplement deux enseignants voyageurs, passionnés d’histoire et de poésie persane.

Leur libération reste à ce stade provisoire : Cécile Kohler et Jacques Paris demeurent sous contrôle iranien et ne peuvent pas encore quitter le pays. Les discussions se poursuivent entre Paris et Téhéran pour obtenir leur rapatriement dans les prochains jours. Selon le Quai d’Orsay, ils ont été transférés à la Résidence de France où ils bénéficient d’un suivi médical et psychologique, en attendant que leur situation juridique soit définitivement réglée.

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