Dick Cheney, l’homme de l’ombre de George W. Bush, est mort à 84 ans

Architecte de l’invasion de l’Irak et vice-président tout-puissant sous George W. Bush, Dick Cheney s’est éteint à 84 ans. Figure du néoconservatisme, il restera comme l’un des hommes les plus influents et controversés de l’histoire américaine récente.

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© AFP / Le vice-président américain Dick Cheney écoute un orateur avant d’être présenté pour prononcer un discours lors du déjeuner de remise du prix Gerald R. Ford pour le journalisme au National Press Club à Washington, DC, le 2 juin 2008.
© AFP / Le vice-président américain Dick Cheney écoute un orateur avant d’être présenté pour prononcer un discours lors du déjeuner de remise du prix Gerald R. Ford pour le journalisme au National Press Club à Washington, DC, le 2 juin 2008.

Il fut longtemps le visage caché du pouvoir à Washington. Richard Bruce Cheney, dit Dick Cheney, est mort à 84 ans, selon sa famille. L’ancien vice-président américain laisse derrière lui une empreinte politique immense : celle d’un stratège de l’ombre, défenseur acharné d’une Amérique forte, quitte à en repousser les limites morales et juridiques.

Né en 1941 dans le Nebraska, diplômé du Wyoming après avoir échoué à Yale, Cheney incarne une génération de politiciens républicains pour qui la fermeté et le secret valaient autant que la transparence. Son influence sur la présidence Bush, de 2001 à 2009, reste sans équivalent dans l’histoire récente.

Le cerveau de la guerre d’Irak

Après les attentats du 11 septembre 2001, Dick Cheney s’impose comme l’architecte de la « guerre contre le terrorisme ». Il pousse à l’invasion de l’Irak en 2003, convaincu que Saddam Hussein détient des armes de destruction massive. L’histoire lui donnera tort, mais sa ligne dure marquera durablement la politique étrangère américaine.

Ancien secrétaire à la Défense de George H. W. Bush lors de la première guerre du Golfe, Cheney voulait en finir avec le dictateur irakien depuis 1991. L’occasion lui fut donnée sous son fils. À la Maison-Blanche, il forme avec Donald Rumsfeld un duo redoutable. Les accusations d’avoir « gonflé » les renseignements pour justifier la guerre ne le quitteront jamais.

Au fil des années, sa main se devine derrière les principales décisions de l’administration Bush : écoutes sans mandat, détentions secrètes, interrogatoires musclés à Guantanamo. « Il était l’équivalent politique d’un trou noir », écrivait alors le Washington Post : une force d’attraction invisible mais irrésistible.

L’homme du secret

Fidèle à sa réputation de discret redoutable, Cheney cultivait l’opacité jusque dans sa vie quotidienne. Ses papiers étaient enfermés chaque soir dans trois coffres, ses visiteurs rarement identifiés. En 2007, le Sénat menaça de lui retirer certains privilèges officiels pour refus de se soumettre aux règles d’archivage.

Ce goût du secret s’accompagnait d’une conviction profonde : celle que le président devait disposer d’un pouvoir quasi sans limite. Loin de se contenter d’un rôle protocolaire, il transformait la vice-présidence en centre de décision parallèle. Certains élus iront jusqu’à réclamer sa destitution pour « abus de pouvoir », en vain.

Un patriote conservateur devenu anti-Trump

Cardiaque depuis l’âge de 37 ans, Dick Cheney avait subi plusieurs pontages et une greffe en 2012. Mais rien n’avait entamé sa pugnacité. Ces dernières années, il était apparu au Capitole au côté de sa fille Liz Cheney, pour dénoncer l’assaut du 6 janvier 2021. L’ancien faucon de l’Irak s’était mué en adversaire farouche de Donald Trump.

« Il n’y a jamais eu dans l’histoire de notre République un individu aussi dangereux que Trump », affirmait-il dans une vidéo en 2022. Le même homme que les démocrates traitaient jadis de « Dark Vader » recevait désormais leurs applaudissements.

Un héritage controversé

À la fin de son mandat, sa popularité plafonnait à 13 %. Pour certains, il reste un patriote intransigeant, défenseur d’une Amérique puissante ; pour d’autres, le symbole des dérives sécuritaires post-11 septembre. Son ancien employeur, la société pétrolière Halliburton, avait remporté pour 16 milliards de dollars de contrats en Irak, alimentant les soupçons de conflit d’intérêts.

Dick Cheney aura vécu comme il gouvernait : sans concession, persuadé d’avoir raison contre tous. En politique comme en santé, il aura défié les pronostics jusqu’au bout. Et dans la mémoire américaine, il restera comme l’homme qui fit de l’ombre au président qu’il servait.

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