L’Algérie temporise après le vote de l’Assemblée sur l’accord migratoire de 1968

Le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, a réagi avec prudence à la résolution votée à Paris par le Rassemblement national, qualifiant l’initiative d’« affaire franco-française ». Le gouvernement algérien attend un signal officiel avant de se prononcer.

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Alger refuse de s’enflammer. Trois jours après le vote symbolique de l’Assemblée nationale française en faveur d’une dénonciation de l’accord migratoire de 1968, le ministre algérien des affaires étrangères, Ahmed Attaf, a choisi l’apaisement. Interrogé dimanche par la chaîne AL24, il a jugé la décision française « attristante » mais avant tout interne : « C’est attristant de voir un pays aussi grand que la France faire de l’histoire d’un autre pays, indépendant, souverain, l’objet d’une compétition électorale anticipée », a-t-il déclaré.

Le texte, non contraignant, avait été déposé par le Rassemblement national et adopté à une voix près, grâce au soutien ponctuel de députés Les Républicains et Horizons. Il invite Paris à mettre fin au régime migratoire préférentiel accordé depuis plus d’un demi-siècle aux ressortissants algériens.

« Une affaire franco-française »

Pour Alger, la réaction officielle ne viendra qu’en cas de décision gouvernementale. « Sur le fond, cette affaire est une affaire entre l’Assemblée nationale française et le gouvernement français. C’est une affaire intérieure, une affaire franco-française », a insisté Ahmed Attaf. « Elle pourrait nous concerner si cela devenait une affaire de gouvernement à gouvernement, car l’accord de 1968 est un accord intergouvernemental », a-t-il ajouté.

Le ministre a précisé qu’aucune communication officielle n’avait été adressée à son gouvernement : « Nous n’avons rien vu venir et nous espérons ne rien voir venir. » Ce ton mesuré contraste avec la fermeté habituelle de la diplomatie algérienne sur les sujets migratoires ou mémoriels.

Un texte hautement symbolique

L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, accorde un statut privilégié aux ressortissants algériens installés en France. Ils peuvent séjourner plus de trois mois sans visa spécifique et bénéficient d’un accès facilité aux titres de résidence de dix ans, y compris dans le cadre du regroupement familial. Ce régime dérogatoire concerne aujourd’hui plus de 800 000 personnes.

La résolution du Rassemblement national n’a pas de portée juridique, mais elle traduit un durcissement du débat migratoire en France, à sept mois des élections européennes. Pour le RN, l’objectif est clair : « mettre fin à une inégalité de traitement historique ». Plusieurs élus de la majorité ont dénoncé un « geste inutile et provocateur » vis-à-vis d’un partenaire déjà en froid avec Paris.

« Nous considérons qu’il s’agit d’un débat interne à la France »

Depuis la reconnaissance par la France, à l’été 2024, d’un plan d’autonomie « sous souveraineté marocaine » pour le Sahara occidental, les relations entre Paris et Alger se sont nettement dégradées. L’ambassadeur d’Algérie n’a repris ses fonctions qu’en septembre, après plusieurs mois de gel diplomatique.

Dans ce climat fragile, la réaction mesurée d’Alger vise à éviter l’escalade. Le gouvernement algérien observe désormais les signaux venus de l’Élysée et du quai d’Orsay, sans exclure une réponse plus ferme si Paris décidait d’aller au-delà du symbole parlementaire.

« Pour l’instant, nous considérons qu’il s’agit d’un débat interne à la France », a conclu Ahmed Attaf, tout en prévenant : « Si cela devait devenir une décision gouvernementale, nous saurons en tirer les conséquences. »

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