Mobilisation Générale en Algérie : la loi qui suscite des inquiétudes

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Char d'assaut T-90S de l'armée algérienne durant des exercices de tir réel près de Tindouf, au sud-ouest de l'Algérie © Moukrim Said

Alors que le projet de loi sur la mobilisation générale doit être examiné par le Parlement, son adoption en Conseil des ministres, le 20 avril, soulève des inquiétudes. Dans un contexte géopolitique tendu et entre des discours nationalistes, sécuritaires et musclés : l’Algérie cherche-t-elle à prévenir une crise ou à en préparer une nouvelle ?

C’est un texte qui n’aurait peut-être pas fait autant de bruit dans un autre contexte. Le 20 avril, le gouvernement algérien a adopté en Conseil des ministres un projet de loi encadrant la mobilisation générale sur son territoire. Officiellement, il s’agit d’un simple outil juridique destiné à organiser la réponse de l’État face à « une crise majeure, une guerre, ou une menace contre la souveraineté nationale ».

Mais depuis son annonce, les spéculations vont bon train. Sur les réseaux sociaux, entre messages patriotique et spéculations alarmistes (voir complotistes), les interrogations se multiplient : « L’Algérie se prépare à l’épreuve de feu. Que Dieu nous protège. », « C’est la guerre ?! », « Est-ce qu’on doit se préparer ? » peut-on lire sur X.

Une loi qui envoie un signal fort

Le projet de loi, composé de 69 articles, prévoit des mesures assez concrètes : rappel des réservistes, suspension des départs à la retraite de personnels clés, transition vers un état de guerre, réquisition d’entreprises et des moyens industriels, et bien sûr : un contrôle strict de l’information. L’objectif annoncé : assurer une mobilisation générale humaine, logistique et économique en cas de menace grave.

Deux scénarios peuvent activer ce mécanisme : un péril imminent pour les institutions, ou une agression effective ou imminente. « Il ne s’agit pas d’une déclaration de guerre », martèlent les officiels. « Mais dans la région actuelle, mieux vaut prendre les devants. »

Une région dans climat électrique

Difficile toutefois de ne pas faire le lien avec les tensions qui entourent l’Algérie. À l’ouest, le conflit latent avec le Maroc autour du Sahara occidental ne cesse de s’envenimer. Alger a rompu ses relations diplomatiques avec Rabat, fermé son espace aérien, imposé des visas aux Marocains, dénoncé le soutien de Paris au plan d’autonomie marocain, expulsé une douzaine de fonctionnaire français le 15 avril dernier, tandis qu’Emmanuel Macron a décidé de rappeler son ambassadeur pour « consultations ».

Au sud, les relations avec Bamako se sont dégradées, notamment après qu’un drone malien ait été abattu par l’armée algérienne. À l’est, le maréchal libyen Khalifa Haftar, soutenu par les Émirats et les États-Unis, inquiète Alger par ses ambitions militaires proches de la frontière.

Autant de foyers d’instabilité qui nourrissent une inquiétude palpable. D’autant que l’armée algérienne multiplie les exercices à balles réelles et que les discours officiels évoquent régulièrement des « dangers qui encerclent le pays ».

Une démonstration de force

Les autorités assurent qu’il ne s’agit que d’un encadrement légal, voté tardivement, et que son inclusion à l’ordre du jour parlementaire remonte à octobre 2024. Pourtant, pour certains analystes, ce geste traduit un tournant important dans la doctrine militaire algérienne : une volonté de renforcer la résilience nationale, mais aussi d’envoyer un signale aux puissances étrangères.

« L’adoption de cette loi reflète une évolution stratégique. Elle suit une logique mondiale de réactivation des dispositifs de défense. Reste à savoir si ce cadre restera préventif ou s’il annonce une montée en puissance. »

Tewfik Hamel, chercheur au conseil scientifique de l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée

Des précédents mais un avenir incertain

La dernière mobilisation de l’armée algérienne remonte à 1963, lors de la guerre des Sables contre le Maroc. Depuis, seules les « années noires » pendant les années 90 ont vu le rappel massif de réservistes. L’Algérie se prépare. Mais à quoi exactement ?

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