Les premières explosions ont retenti bien avant l’aube. Des frappes aériennes d’une intensité rarement égalée ont secoué le nord de Gaza, ouvrant la voie aux blindés qui progressent désormais vers le centre de la ville. L’opération « Chariots de Gédéon 2 », annoncée mardi matin par l’état-major, marque l’entrée dans la « phase principale » de la guerre, près de deux ans après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. « Gaza brûle », s’est félicité le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, affirmant que le mouvement islamiste n’a désormais qu’une « fenêtre très courte » pour négocier sa reddition.
Derrière la rhétorique triomphale, les témoignages décrivent un paysage d’apocalypse. La défense civile palestinienne parle d’un « massacre majeur » dans des quartiers déjà ravagés par vingt-trois mois de bombardements. Selon ses chiffres, invérifiables faute d’accès indépendant, des dizaines de civils ont péri en une nuit. « On a entendu des cris sous les décombres toute la journée », raconte Mahmoud, un habitant de Chati contacté par téléphone.
Gaza réduite en ruines par des frappes massives
La grande métropole de l’enclave, qui comptait près d’un million d’âmes avant la guerre, se vide inexorablement. Israël affirme que 320 000 personnes ont fui depuis l’été, poussées vers le sud par des ordres d’évacuation répétés. Mais plus de 600 000 civils resteraient encore piégés dans la ville, entassés dans des abris de fortune ou survivant sous les ruines. Dans les rues encombrées, des familles marchent sous les bombardements, portant quelques sacs, parfois un enfant dans les bras. « Nous n’avons plus d’endroit où aller », souffle Ahmed Ghazal, qui dit avoir perdu trois proches lors des frappes de lundi soir.
Les ONG décrivent un désastre humanitaire sans précédent. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU a condamné « l’escalade meurtrière de l’offensive israélienne, qui a des conséquences effroyables sur les civils ». Depuis octobre 2023, plus de 64 000 habitants ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza, un bilan jugé crédible par les agences internationales. À cela s’ajoutent plus de 160 000 blessés, la famine reconnue par l’ONU et la destruction quasi totale du système éducatif, 97 % des écoles étant détruites ou endommagées.
Netanyahou face à l’isolement diplomatique brutal
Politiquement, le moment est critique pour Benyamin Netanyahou. Isolé sur la scène internationale, il peut encore compter sur l’appui de Washington. La visite à Jérusalem du secrétaire d’État américain Marco Rubio, lundi, a réaffirmé un « soutien indéfectible » des États-Unis, au lendemain d’une frappe israélienne contre des dirigeants du Hamas réfugiés à Doha. « Il s’agit d’une guerre de civilisation », a martelé le Premier ministre israélien devant des parlementaires américains, accusant la Chine et le Qatar d’« organiser une attaque contre la légitimité d’Israël ».
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Mais la condamnation prend de l’ampleur. Mardi, une commission d’enquête de l’ONU a conclu qu’Israël commettait un génocide à Gaza, s’appuyant sur la destruction systématique de la société palestinienne et les déclarations de responsables politiques israéliens. « Rapport mensonger », a répliqué Netanyahou, qui assure que l’armée « fait tout pour protéger les civils ». Pourtant, même au sein de Tsahal, des officiers expriment des doutes sur la volonté d’occuper durablement Gaza-ville, évoquant le risque d’un enlisement.
Gaza : une guerre sans horizon
Deux ans après l’attaque du Hamas, Israël promet toujours d’en « finir » avec le mouvement islamiste. Mais malgré les pertes infligées, les combattants retranchés continuent d’opposer une résistance. « Nos soldats se préparent à combattre un ennemi caché », a reconnu un officier de la brigade Nahal. Dans les tunnels et les ruines de Gaza-ville, l’affrontement s’annonce sanglant.
Pour la population civile, l’horizon reste bouché. Les distributions de nourriture sont sporadiques, l’eau potable manque, et les hôpitaux qui n’ont pas été bombardés fonctionnent sans électricité. « Chaque jour, nous enterrons des enfants », lâche Juliette Touma, porte-parole de l’UNRWA. Entre la rhétorique guerrière d’Israël et les appels désespérés des humanitaires, Gaza est devenue le théâtre d’un désastre qui redéfinit, jour après jour, les limites du droit international.