Dans la plupart des conflits asymétriques récents, un même véhicule revient sur les images : un pick-up Toyota. Qu’il s’agisse des milices en Somalie, des talibans en Afghanistan, des rebelles syriens ou des djihadistes de l’État islamique, les Hilux et Land Cruiser dominent les terrains de guerre. Leur silhouette banale cache une efficacité redoutable une fois transformés en « technicals », ces véhicules civils armés.
Le phénomène n’est pas nouveau. La guerre Tchad-Libye de 1986-1987, surnommée la « guerre des Toyota », avait déjà montré la puissance tactique de ces pick-up. Avec quelques milliers de véhicules équipés de canons ou de mitrailleuses, les forces tchadiennes avaient infligé une lourde défaite à l’armée libyenne, pourtant dotée de blindés modernes.
Une mécanique simple, une fiabilité extrême
Le succès de Toyota s’explique d’abord par sa robustesse. « Un Hilux peut rouler des centaines de milliers de kilomètres sans grande maintenance, même dans le désert », rappelle Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine et historien militaire. Contrairement aux blindés sophistiqués, ces pick-up se réparent avec des pièces accessibles partout et une main-d’œuvre peu qualifiée.
Cette fiabilité est devenue légendaire. Dans les années 2000, l’émission britannique Top Gear avait tenté de détruire un Hilux en le noyant, en le brûlant et en le faisant exploser. Le véhicule avait redémarré. De quoi nourrir un mythe, repris par les combattants pour qui le pick-up devient une arme aussi universelle que le fusil d’assaut Kalachnikov.
Le rapport coût-efficacité imbattable
Un Toyota Hilux neuf se vend environ 30 000 euros, soit des dizaines de fois moins qu’un véhicule blindé léger. Même équipé d’une mitrailleuse lourde, son coût reste dérisoire. « C’est l’équivalent de l’AK-47 sur roues : accessible, efficace et disponible partout », analyse Andrew Exum, ancien officier américain et consultant en stratégie.
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Son autonomie et sa vitesse en font un outil redoutable pour la guerre de mouvement. Au Mali, les colonnes djihadistes utilisaient ces pick-up pour frapper des garnisons isolées avant de disparaître dans le désert. Leur légèreté les rend vulnérables, mais dans des guerres de guérilla, la mobilité prime sur la protection.
Une présence mondiale, un symbole redouté
Toyota vend chaque année plus de 500 000 Hilux dans le monde, principalement en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Ces véhicules civils se retrouvent ensuite entre les mains de groupes armés via le marché d’occasion ou des réseaux parallèles. En 2015, le département du Trésor américain avait ouvert une enquête après avoir constaté que l’État islamique possédait des flottes entières de pick-up neufs.
Cette omniprésence leur donne aussi une dimension psychologique. « Voir arriver une colonne de Toyota surmontés de mitrailleuses suffit à faire reculer des troupes mal préparées », note un officier français déployé au Sahel. Le pick-up est devenu une image universelle des guerres contemporaines, au même titre que le drone ou la Kalachnikov.