À 34 ans, Zohran Mamdani vient d’entrer dans l’histoire américaine. Le démocrate, issu de l’aile gauche du parti et farouche opposant à Donald Trump, a remporté haut la main l’élection municipale de New York, devançant l’ancien gouverneur Andrew Cuomo et le républicain Curtis Sliwa. L’annonce de sa victoire, mardi soir, a déclenché des scènes de liesse au Brooklyn Paramount Theatre, où ses partisans scandaient son nom au cri de « Power to the people ! ».
Né en Ouganda dans une famille d’origine indienne, ce membre des Democratic Socialists of America devient le premier maire musulman de New York. Son élection marque un tournant politique dans une métropole de plus de huit millions d’habitants, bastion démocrate mais souvent gouvernée par des figures plus centristes.
Une campagne sous tension face à Trump
Donald Trump s’était personnellement invité dans la course. À la veille du scrutin, le président américain avait exhorté les électeurs juifs de New York à voter contre Mamdani, accusé de « haïr les juifs ». « Toute personne juive qui vote pour Zohran Mamdani est une personne stupide !!! », avait-il lancé sur sa plateforme Truth Social, en apportant son soutien à Andrew Cuomo, ex-démocrate devenu candidat indépendant.
L’intervention présidentielle a fait l’effet d’un électrochoc dans la ville. « Trump a voulu transformer cette élection municipale en référendum sur sa présidence », analyse le politologue David Birdsell, de la City University of New York. « Mais New York reste une ville profondément hostile à son discours populiste. » Mamdani, lui, a préféré se concentrer sur la vie chère, la crise du logement et les transports, promettant un encadrement des loyers, des bus gratuits et la création de crèches publiques accessibles.
Un symbole de la nouvelle gauche américaine
Le nouveau maire s’inscrit dans la lignée de figures progressistes comme Alexandria Ocasio-Cortez ou Bernie Sanders, qui l’avaient tous deux soutenu. « Nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de New York », a-t-il lancé mardi soir. Son programme social-démocrate, parfois qualifié de « communiste » par ses adversaires, séduit une partie des classes populaires et des jeunes urbains frappés par la hausse du coût de la vie.
Son positionnement pro-palestinien, dans le contexte explosif de la guerre à Gaza, lui a toutefois valu l’hostilité d’une partie de la communauté juive. Pour apaiser les tensions, il n’a cessé de répéter sa condamnation de « toutes les formes d’antisémitisme ». « Ma lutte est contre l’injustice, pas contre une religion », a-t-il martelé lors du dernier débat télévisé.
Une participation record et un avertissement pour Trump
Le scrutin a mobilisé massivement les électeurs new-yorkais : près de 1,75 million de personnes ont voté, soit la participation la plus forte depuis plusieurs décennies. Plus de 735 000 votes anticipés avaient déjà été enregistrés avant l’ouverture des bureaux de vote, quatre fois plus qu’en 2021. « C’est le signe d’un véritable sursaut civique », souligne la politologue Christina Greer, spécialiste des élections urbaines.
Pour Donald Trump, cette défaite à New York s’ajoute à un autre revers, celui de la Virginie, où la démocrate Abigail Spanberger a été élue gouverneure avec 55,3 % des voix. À neuf mois de la présidentielle, ces résultats illustrent les limites de la stratégie d’affrontement du président républicain avec les grandes métropoles progressistes. « New York a envoyé un message clair : la peur et la division ne suffisent plus à gagner », résume un proche de Mamdani.
Une victoire fragile
Reste à savoir si le nouveau maire saura transformer l’essai. À l’intérieur même du Parti démocrate, il divise. Chuck Schumer, chef des sénateurs démocrates, n’a pas pris position. Quant au leader des démocrates à la Chambre, Hakeem Jeffries, il a fini par lui apporter un soutien tiède, affirmant qu’il ne voyait pas en lui « l’avenir du parti ». Mais à en juger par la ferveur populaire dans les rues de Brooklyn, Zohran Mamdani s’impose déjà comme un nouveau visage de la gauche américaine — et comme la bête noire durable de Donald Trump.


