Lundi 27 octobre, en milieu de matinée, deux députés de La France insoumise se sont présentés à la prison de la Santé, à Paris. Objectif annoncé : exercer leur droit de visite parlementaire, garanti par le code de procédure pénale. Mais leur déplacement a pris une tournure inattendue. Selon les informations du Journal du dimanche et confirmées par plusieurs médias, Danièle Obono et Ugo Bernalicis auraient souhaité accéder au quartier d’isolement où Nicolas Sarkozy, incarcéré depuis une semaine pour association de malfaiteurs dans l’affaire libyenne, est actuellement détenu. La direction de l’établissement a opposé un refus net, estimant que leur visite sortait du cadre légal.
Le règlement est strict : les parlementaires peuvent se rendre sans autorisation dans les établissements pénitentiaires, mais uniquement pour en contrôler les conditions de détention. Ils ne peuvent ni filmer, ni rencontrer un détenu particulier, encore moins échanger avec lui sur sa situation judiciaire. La direction a donc mis fin à la visite, invoquant un usage inapproprié du droit parlementaire. Les deux élus, accompagnés de journalistes du Monde et de Politis, ont immédiatement contesté cette interprétation et saisi le tribunal administratif de Paris en référé-liberté.
Un recours rejeté et un rappel à l’ordre
Le juge administratif a tranché dès le lendemain : la requête a été rejetée, au motif qu’aucune atteinte grave au droit de visite parlementaire n’était caractérisée. Dans la foulée, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a adressé un courrier de rappel aux deux élus. « Les visites parlementaires doivent se concentrer sur le fonctionnement global des établissements et se dérouler dans le respect de la dignité de toutes les personnes détenues », a-t-elle écrit, tout en soulignant que le contexte de l’incarcération d’un ancien président exigeait une « retenue particulière ».
La majorité et la droite ont aussitôt dénoncé une « provocation » et une « mise en scène ». « Utiliser un ancien chef de l’État pour faire parler de soi est indécent », a fustigé le député Renaissance Benjamin Haddad. Le syndicat FO-Justice, de son côté, a parlé d’une « instrumentalisation politique d’un droit de contrôle ».
Les insoumis se défendent
Face à la polémique, Ugo Bernalicis s’est défendu sur les réseaux sociaux : « Je répète : nous n’avons jamais demandé à voir Nicolas Sarkozy. Nous avons visité plus de quarante établissements depuis huit ans. » Il assure que la visite visait à alerter sur la surpopulation carcérale, qui atteint un taux de 190 % à la prison de la Santé : « C’est un enfer pour les détenus comme pour les personnels », écrit-il. Danièle Obono a renchéri : « Nous étions venus pour parler de conditions indignes, pas pour faire du sensationnalisme. »
L’incarcération de Nicolas Sarkozy, une première pour un ancien président sous la Ve République, place l’administration pénitentiaire sous tension. Gérald Darmanin a annoncé qu’il se rendrait sur place pour vérifier les conditions de sécurité du détenu, une initiative critiquée par plusieurs magistrats, inquiets d’une possible atteinte à l’indépendance judiciaire.
Dans les couloirs de la Santé, l’épisode a laissé un goût amer. « Ces visites sont censées se faire dans la discrétion, pas devant les caméras », confie un cadre de l’administration pénitentiaire. Reste que cette controverse illustre un malaise plus large : en France, le contrôle des prisons par les parlementaires, pourtant prévu par la loi, reste méconnu, souvent marginal, et rarement médiatisé… sauf lorsqu’un ancien président se trouve derrière les barreaux.


