À la Rencontre des Entrepreneurs de France, qui s’est tenue cette semaine à Roland-Garros, la question budgétaire a dominé les échanges. François Bayrou, désormais Premier ministre, a dressé un tableau sévère : en vingt ans, la dette publique française a doublé, atteignant des niveaux records qui pèsent désormais autant qu’un budget ministériel majeur. Pour lui, le pays vit à crédit et fait porter sur les générations futures une charge insoutenable. La dette est devenue, dit-il, « l’esclavage des plus jeunes », un carcan budgétaire qui menace de réduire à néant toute marge de manœuvre politique.
Édouard Philippe, invité à son tour à s’exprimer devant les patrons, s’est aligné sur ce diagnostic. L’ancien chef du gouvernement a décrit le danger d’une manière différente mais tout aussi inquiétante : le véritable moment critique ne se mesure pas tant au volume de la dette qu’au regard porté par les créanciers. Si ceux-ci venaient à douter de la capacité de l’État à tenir ses engagements, la France pourrait être confrontée à une spirale brutale de défiance. C’est ce qu’il a qualifié de « nœud coulant », une mécanique qui resserre l’étau et isole progressivement un pays des marchés financiers.
Une inquiétude partagée avec les patrons
Les chefs d’entreprise, réunis par le MEDEF, ont accueilli ce discours avec une attention particulière. La rentrée économique se déroule sur fond d’instabilité politique et d’incertitudes fiscales. Les entrepreneurs réclament un cap clair, une visibilité budgétaire sans laquelle les investissements s’enrayent. Or la perspective d’un vote de confiance prévu le 8 septembre à l’Assemblée nationale, voulu par François Bayrou pour légitimer sa trajectoire de rigueur, ajoute à l’inquiétude. Un échec parlementaire risquerait d’envoyer un signal négatif aux marchés, accentuant la volatilité déjà observée ces dernières semaines.
Philippe a insisté sur ce point : la confiance ne se décrète pas, elle se démontre par des actes. Si la France n’affiche pas rapidement des réformes crédibles et des économies tangibles, le risque est de franchir une ligne rouge aux conséquences irréversibles. Le public de patrons, lui, s’interroge sur le calendrier et sur la capacité de l’exécutif à éviter de nouvelles secousses politiques qui viendraient s’ajouter à la crise budgétaire.
Le fardeau d’une dette devenue structurelle
François Bayrou avait chiffré la progression inquiétante de la dette : près de 2 000 milliards d’euros supplémentaires en deux décennies, soit l’équivalent de 12 millions d’euros contractés chaque heure. Selon lui, les intérêts de cette dette dépassent déjà certains budgets stratégiques de l’État, comme celui de l’Éducation nationale. Ce basculement illustre l’impasse dans laquelle se trouve le pays : chaque hausse des taux d’intérêt alourdit mécaniquement la facture, réduisant la capacité d’action du gouvernement.
Philippe, dans sa réponse, a mis en avant la nécessité de restaurer la crédibilité internationale de la France. Il a rappelé que d’autres pays de la zone euro, confrontés à des niveaux d’endettement comparables, avaient réussi à rassurer les marchés par des trajectoires budgétaires fermes. La France, a-t-il dit, ne peut se permettre de jouer avec cette confiance : « Le danger survient quand les prêteurs ne sont plus convaincus que nous sommes capables de tenir nos promesses. »
Le défi d’un cap clair
Au-delà des constats, l’ancien Premier ministre a esquissé des pistes d’action. Pour lui, la priorité est de réduire la dépense publique de manière sélective, en concentrant les efforts sur les politiques jugées inefficaces. Il a évoqué la nécessité de revoir certains dispositifs coûteux dans le logement ou les aides à la production, afin de redonner des marges aux investissements d’avenir.
Mais c’est avant tout la cohérence politique qui inquiète. Le vote de confiance de septembre sera un test de crédibilité : s’il est perdu, la France se retrouvera non seulement fragilisée sur le plan institutionnel, mais aussi exposée à une perte de confiance immédiate des investisseurs. Les patrons présents à la REF n’ont pas caché leur scepticisme : sans trajectoire stable, disent-ils, la compétitivité française continuera de s’éroder face à ses concurrents européens.