Face à la surpopulation carcérale, Darmanin annonce la construction accélérée de 3 000 cellules modulaires

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Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dévoilé dimanche un plan d’urgence visant à créer 3 000 places de prison supplémentaires « en préfabriqué », pour répondre à la crise de la surpopulation carcérale qui frappe les établissements pénitentiaires français. Une mesure exceptionnelle qui suscite à la fois espoirs et inquiétudes.

« On ne peut pas continuer à entasser les détenus comme des sardines », a lancé le ministre sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, en annonçant la création de « modules pénitentiaires » temporaires, construits en un temps record à proximité d’établissements existants. Objectif : faire face à un taux d’occupation moyen de 122 % dans les prisons françaises, avec des pics allant jusqu’à 200 % dans certains établissements comme Nîmes, Fresnes ou Perpignan.

Une mesure d’urgence assumée

Ces modules, de type préfabriqué, seront installés dans les mois à venir « en priorité là où la situation est la plus critique », a précisé Gérald Darmanin, évoquant une première vague de 15 sites ciblés. « Il s’agit de cellules individuelles mais qui pourront, si nécessaire, accueillir deux détenus, le tout avec un accès sécurisé aux espaces communs déjà existants dans les établissements », a précisé le ministre.

« Ce n’est pas l’idéal, mais c’est une réponse rapide à une urgence », a-t-il reconnu, tout en réaffirmant que la solution de fond reste le plan de construction de 15 000 places annoncé en 2018, dont la mise en œuvre reste lente : seulement 4 500 places ont vu le jour depuis le début du quinquennat.

Des critiques sur la qualité de l’accueil

Si le monde pénitentiaire salue en partie cette initiative, des voix s’élèvent déjà contre ce qu’elles considèrent comme un expédient. « C’est une rustine sur une plaie béante », estime Céline Verzeletti, secrétaire générale de l’Union syndicale CGT Pénitentiaire. « Il faudrait repenser l’ensemble du système carcéral, pas seulement ajouter des boîtes métalliques dans des cours de promenade. »

Du côté de l’Observatoire international des prisons (OIP), on pointe également les risques d’un dispositif dégradé : « On crée des places à bas coût sans réfléchir à la réinsertion, à l’accompagnement, à la dignité. Ce n’est pas avec des cellules temporaires qu’on réglera le problème de fond. »

Une décision politique sous tension

Cette annonce intervient dans un climat tendu autour de la question pénitentiaire. Le Conseil d’État a récemment sommé l’État de mettre fin aux conditions indignes de détention dans plusieurs maisons d’arrêt, comme à Toulouse-Seysses ou à Bobigny, évoquant des violations « graves et manifestement illégales » des droits fondamentaux. La France a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses conditions de détention.

Selon les chiffres du ministère de la Justice, plus de 77 000 personnes sont actuellement incarcérées pour 61 000 places théoriques, et plus de 2 700 dorment sur des matelas au sol.

La question carcérale est également devenue un sujet politique brûlant, alors que l’exécutif est pressé par la droite et l’extrême droite de faire preuve de fermeté. « Pour être crédible, la justice doit être appliquée. Pour qu’elle soit appliquée, il faut de la place pour incarcérer », a martelé Gérald Darmanin.

Une première livraison dès l’été ?

Selon le ministère de l’Intérieur, les premiers modules pourraient être opérationnels « dès la fin de l’été 2025 », grâce à un partenariat avec des entreprises du BTP spécialisées dans la construction modulaire rapide, déjà utilisées par l’armée ou les centres de rétention administrative.

Mais plusieurs élus locaux s’inquiètent d’un déploiement précipité. « Nous n’avons pas été consultés, ni sur le fond, ni sur les lieux d’implantation », a confié un maire d’Île-de-France concerné par le dispositif. « On redoute de voir arriver des structures semi-durables, sans les moyens humains pour les faire fonctionner correctement. »

Alors que les syndicats de surveillants réclament depuis des années des effectifs supplémentaires et des conditions de travail dignes, le gouvernement marche sur une ligne de crête entre urgence sécuritaire et exigences judiciaires. La question désormais : cette réponse rapide suffira-t-elle à contenir une crise qui dure depuis des décennies

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