Depuis cinq jours, les chauffeurs de taxi bloquent routes, gares et ministères. En cause : une nouvelle convention tarifaire pour le transport de patients, dénoncée comme une menace directe pour la viabilité de leur activité.
Boulevard Raspail, dans le VIIᵉ arrondissement de Paris, le ballet des klaxons est devenu rituel. Depuis lundi 19 mai, plusieurs centaines de taxis stationnent devant le ministère des Transports. Certains chauffeurs dorment sur place, d’autres organisent des rotations. Tous dénoncent une réforme du transport sanitaire, accusée de mettre en péril un pan entier de la profession.
Une convention contestée par les professionnels
La nouvelle convention, signée par l’Assurance maladie et qui doit entrer en vigueur le 1ᵉʳ octobre, instaure un tarif national unique de prise en charge à 13 euros, une tarification kilométrique départementale, la fin du remboursement systématique des trajets à vide et la promotion du transport partagé. L’objectif officiel est de mieux organiser un secteur dont les coûts explosent : les seuls trajets de patients en taxi ont coûté 3,07 milliards d’euros en 2024, contre 2,1 milliards en 2019, soit une hausse de 45 %.
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« On n’a pas été consultés, ou alors pour faire semblant », accuse Dominique Buisson, secrétaire fédéral de la FNDT. « On parle de pertes de revenus pouvant aller jusqu’à 40 % dans les zones rurales. C’est tout simplement intenable. »
L’Assurance maladie affirme au contraire que « la très grande majorité des chauffeurs y gagneront », selon son directeur général Thomas Fatôme. Pour appuyer son propos, il insiste sur les avantages de la réforme : majorations dans les grandes agglomérations, bonus pour les trajets partagés, incitation à réduire les retours à vide. De son côté, le gouvernement vise 300 millions d’euros d’économies sur l’ensemble du transport sanitaire d’ici à 2027.
Les chauffeurs de taxis fragilisés par leur statut
Sur le terrain, les chauffeurs dénoncent également une précarité croissante. À Paris, Abel, 25 ans, paie 120 euros de location par jour à son exploitant, qu’il travaille ou non. À Calais, Michel, chauffeur depuis 35 ans, prévient : « Je ne ferai pas du transport médical à perte. Je préfère arrêter. »
À Brest, les chauffeurs se sont réunis devant la gare, dénonçant les pratiques des plateformes. « Il faut mettre fin à la maraude illégale, ou maraude électronique », explique Thomas Adell, chauffeur brestois. Selon lui, les VTC tournent autour des gares ou stationnent près des aéroports en attente de courses, une pratique interdite mais rarement sanctionnée.
Pour une grande partie de la profession, la réforme ne fait qu’aggraver une situation déjà critique. « On est déjà sous l’eau avec l’Urssaf, la TVA et les remises, alors si on nous rajoute cette convention sur le dos, ce sera la mort des taxis », déplore Henrique, chauffeur en Essonne.
Une réunion entre Bayrou et les taxis mais sans avancée concrète
Samedi, une réunion s’est tenue rue Saint-Dominique, en présence du Premier ministre François Bayrou. Bien qu’aucune annonce concrète n’en soit ressortie, l’exécutif a assuré vouloir poursuivre le dialogue. Toutefois, les fédérations appellent à maintenir la pression. Dès lundi, des opérations escargot sont annoncées autour des aéroports de Roissy et d’Orly. Certaines organisations évoquent même une convergence avec les agriculteurs, également mobilisés.
Ahmed, taxi rural, en résume le sentiment : « Ce que le gouvernement est en train de casser, ce n’est pas qu’un tarif. C’est un lien social, un service de proximité. »