Marine Le Pen, l’échec de trop ? La cheffe du RN acculée par la justice prépare sa succession

La décision du Conseil d’État confirmant sa démission d’office du Conseil départemental du Pas-de-Calais fragilise durablement Marine Le Pen. Acculée par la justice, la présidente du groupe RN à l’Assemblée prépare déjà la suite, laissant Jordan Bardella s’imposer comme héritier naturel à moins de deux ans de la présidentielle.

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Marine Le Pen lors de sa visite au Sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne, le 9 octobre 2025.
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C’est un revers lourd de conséquences pour Marine Le Pen. Mardi, le Conseil d’État a confirmé sa démission d’office de son mandat local, conséquence automatique de sa condamnation en juin dernier à deux ans de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national. Une décision qui rend son inéligibilité immédiatement applicable et compromet, au moins temporairement, ses ambitions présidentielles.

Pour la cheffe du Rassemblement national, la sentence sonne comme une fin de cycle. Ses avocats prévoient un ultime recours devant la Cour de cassation, voire la Cour européenne des droits de l’homme, mais le calendrier joue contre elle : l’audience en appel est fixée du 13 janvier au 12 février 2026. À ce stade, rien ne garantit qu’elle puisse briguer un nouveau mandat avant 2030.

Un horizon judiciaire bouché

Depuis des mois, Marine Le Pen assure que cette affaire n’est qu’un « acharnement politique » orchestré par ses adversaires. Mais les juges ont confirmé une responsabilité personnelle dans la gestion des fonds européens destinés à ses assistants parlementaires entre 2004 et 2016. En clair, le tribunal estime qu’ils n’exerçaient pas leurs fonctions à Bruxelles, mais au service du parti à Nanterre.

La défense de l’ancienne candidate à la présidentielle a beau insister sur la « confusion entre l’activité politique et parlementaire », la plus haute juridiction administrative a estimé qu’aucune irrégularité procédurale ne justifiait d’annuler la démission d’office. « La sanction est automatique et proportionnée », précise la décision. Le RN dénonce une justice politique, mais les faits sont désormais établis.

Bardella, l’héritier en marche

Face à cet affaiblissement, le parti s’organise. Interrogée sur RTL, Marine Le Pen a reconnu que Jordan Bardella serait « une évidence » pour porter les couleurs du RN en cas d’empêchement. Le président du parti, 29 ans, multiplie déjà les déplacements en région et les interventions médiatiques. En interne, il a pris le contrôle total de l’appareil et s’affirme comme le visage d’une droite nationaliste rajeunie, moins clivante, plus disciplinée.

Le transfert d’autorité est d’autant plus stratégique que le RN veut éviter la guerre des héritiers qui avait miné le Front national après 2011. « Bardella, c’est la continuité sans le poids du passé », glisse un député proche de Marine Le Pen. La direction du parti prépare une convention nationale début 2026 pour officialiser ce passage de témoin, tout en maintenant la cheffe historique dans un rôle d’inspiratrice idéologique.

Une ligne populiste mais institutionnelle

Sur le terrain parlementaire, le Rassemblement national capitalise sur la suspension de la réforme des retraites décidée par le gouvernement et se présente comme le porte-voix d’une France fatiguée du libéralisme. Marine Le Pen accuse Bruno Le Maire de « complicité de faillite frauduleuse » dans la gestion des finances publiques et promet un « plan de relance patriotique » centré sur la souveraineté industrielle.

Jordan Bardella, lui, soigne son image d’homme d’État. Il multiplie les appels au respect des institutions et se garde de toute outrance verbale. Cette stratégie à double visage, radicale sur le fond mais policée sur la forme, vise à séduire l’électorat de droite traditionnelle sans effrayer les centristes.

Une succession sous tension

Reste à savoir si Marine Le Pen acceptera de se retirer totalement. À 57 ans, elle demeure la figure la plus populaire de son camp et conserve une influence majeure sur les élus du groupe RN à l’Assemblée. Ses proches évoquent une transition « douce », mais certains cadres redoutent un duel larvé entre l’ancienne candidate et son dauphin.

En coulisses, Marine Le Pen laisse filtrer son amertume. « Les Français décideront s’ils veulent qu’on me fasse taire », a-t-elle lancé récemment à ses fidèles. Une manière de rappeler qu’elle se voit toujours comme une victime du système, tout en orchestrant minutieusement sa sortie.

Le Conseil d’État vient d’entériner sa chute politique, mais pas encore sa disparition. Marine Le Pen prépare la suite, convaincue que la vengeance électorale viendra d’un autre visage, celui qu’elle a elle-même choisi pour reprendre le flambeau.

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