Municipales 2026 : des maires éprouvés mais plus nombreux qu’en 2019 à vouloir repartir

Selon une vaste enquête AMF–Cevipof, 58% des maires envisagent désormais de se représenter en 2026, malgré un mandat marqué par les crises, les tensions internes et la lassitude croissante des élus locaux.

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À deux ans du scrutin municipal, une photographie précise de l’état d’esprit des maires se dessine. Et elle surprend. Alors que le mandat entamé en 2020 aura été l’un des plus éprouvants depuis des décennies, crise sanitaire, inflation, instabilité politique, montée des tensions locales, une majorité d’élus souhaite pourtant rempiler. Ils étaient 49% à envisager un nouveau mandat en 2019. Ils sont désormais 58%, signe que, malgré l’usure, l’envie d’agir reste forte.

En filigrane, un paradoxe : jamais les démissions de maires n’ont été aussi nombreuses, plus de 400 par an. Et pourtant, la vocation ne s’érode pas. Pour Martial Foucault, professeur à Sciences Po et coauteur de l’étude, ce sont moins les vocations qui disparaissent que les conditions d’exercice qui se durcissent.

Conflits en conseil municipal : un facteur décisif

L’enquête, menée auprès de plus de 3700 maires, montre que l’atmosphère des conseils municipaux est un élément déterminant. Les élus évoluant dans des conseils jugés « très pacifiques » sont 62% à vouloir se représenter. Ils ne sont plus que 46% dans les communes où les séances sont décrites comme « agressives ». Si ces situations restent minoritaires, seuls 8% des maires parlent de séances réellement tendues, les conflits internes apparaissent comme l’un des principaux facteurs d’usure.

La cohésion municipale est d’autant plus fragile qu’un tiers des maires disent faire face à une opposition structurée, dont plus de la moitié estime qu’elle joue un rôle négatif sur la vie locale. À cela s’ajoute un absentéisme régulier des conseillers dans 60% des communes, signe d’un essoufflement durable des équipes.

Être utile, servir l’intérêt général : les ressorts du mandat

Malgré les tensions, deux motivations dominent chez les maires qui souhaitent se représenter : la poursuite des projets engagés (79%) et la volonté de servir l’intérêt général (78%). Ceux qui renoncent mettent en avant une raison simple, presque intime : retrouver du temps pour eux et leurs proches, un argument cité par 79% des sortants.

L’âge joue fortement : 73% des moins de 35 ans veulent repartir, contre seulement 30% des élus de plus de 75 ans. Les maires des plus petites communes apparaissent quant à eux plus enclins à jeter l’éponge, illustrant une ruralité où la charge repose souvent sur un nombre très réduit de personnes.

Budgets contraints et priorités locales

Interrogés sur les arbitrages budgétaires en cas de baisse des recettes, les maires privilégieraient d’abord la réduction des dépenses de voirie et d’espaces verts, avant les aides aux associations et les budgets culturels. Un ordre de priorité éloigné de celui des Français, qui sacrifieraient en premier lieu le sport.

Sur les thèmes de campagne, l’accès aux soins s’impose comme un sujet central, toutes tailles de communes confondues. Les enjeux liés au vieillissement sont, eux, trois fois plus cités dans les très petites communes que dans les villes moyennes. Fait notable : 9 maires sur 10 jugent aujourd’hui la situation financière de leur commune « saine », soit un bond de plus de dix points par rapport à 2022, année marquée par la flambée des coûts de l’énergie.

Violences et incivilités en forte hausse depuis 2020

L’étude confirme une réalité devenue récurrente : l’agressivité envers les élus locaux s’intensifie. Depuis 2020, 65% des maires disent avoir été victimes d’incivilités, 36% rapportent des injures ou insultes et près d’un sur trois déclare avoir été attaqué ou menacé sur les réseaux sociaux. Les agressions physiques, encore marginales, concernent tout de même 8% des élus, un chiffre en hausse.

Ces pressions, bien que lourdes, n’entament pas l’ensemble des vocations. L’étude conclut que les maires « ont tendance à se réarmer politiquement » à l’approche du scrutin, phénomène récurrent où la perception de l’action municipale s’améliore en fin de mandat.

Les municipales de 2026 s’annoncent donc singulières : disputées dans un climat d’usure, mais portées par un volontarisme inattendu. Une campagne qui pourrait, une fois encore, démentir l’idée d’une crise durable des vocations locales.

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