Le ciel ne sera pas totalement dégagé au-dessus du Bourget. À partir de dimanche, le plus grand salon aéronautique du monde doit réunir plus de 300 000 visiteurs, 2 500 exposants venus de 50 pays et plusieurs dizaines de démonstrations en vol. Mais cette 54e édition s’ouvre dans un contexte marqué par la contestation. Plusieurs collectifs écologistes prévoient des actions de blocage, tandis que la présence de groupes israéliens suscite une vive opposition d’associations et de syndicats. À cela s’ajoutent des menaces de grève dans le secteur aérien.
Des mobilisations prévues dès le premier jour
Dès dimanche, le collectif Extinction Rebellion et plusieurs organisations écologistes (Alternatiba, Youth for Climate, Attac) appellent à se rassembler aux abords du site, pour dénoncer « un salon de la démesure en pleine urgence climatique ». Une seconde journée d’action est annoncée pour le mercredi 19 juin, en pleine affluence professionnelle.
« On ne peut pas continuer à subventionner un secteur qui projette une augmentation de 50 % de ses émissions d’ici 2050 », dénonce un membre d’Alternatiba Paris. Selon l’Agence européenne de l’environnement, le transport aérien représente environ 3,8 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, mais croît plus vite que les autres secteurs. Les organisateurs, de leur côté, assurent avoir « pris toutes les dispositions pour garantir la sécurité des exposants et des visiteurs », en coordination avec la préfecture de police.
Tensions sociales dans les aéroports
Sur le plan social, plusieurs syndicats – notamment chez les aiguilleurs du ciel et le personnel d’Aéroports de Paris – brandissent la menace d’un préavis de grève. Ils dénoncent un manque d’effectifs chronique et des négociations salariales au point mort. « Le Salon du Bourget mobilise d’énormes ressources. Pendant ce temps-là, on demande toujours aux contrôleurs de faire plus avec moins », explique un représentant de l’UNSA-ICNA. Des perturbations sur certains vols commerciaux ou démonstrations ne sont pas exclues.
Israël sous le feu des critiques
Mais c’est surtout la présence d’entreprises israéliennes qui crispe les opposants. Au moins neuf groupes liés à l’armement ou à la surveillance – dont Elbit Systems, Rafael et Israel Aerospace Industries – figurent parmi les exposants. Une coalition de 145 organisations, parmi lesquelles la Ligue des droits de l’Homme, la Cimade, la CGT ou BDS France, a lancé une pétition exigeant leur exclusion. Un recours en justice a été déposé cette semaine pour demander l’annulation de leur participation.
« Il est inacceptable qu’un événement soutenu par des fonds publics accueille des entreprises accusées de crimes de guerre à Gaza », affirme un porte-parole de BDS. La préfecture n’a pas souhaité commenter. Les organisateurs, eux, renvoient à la neutralité commerciale de l’événement. Israël avait déjà été exclu du salon Eurosatory en mars dernier, avant que la justice ne casse cette décision.
Une vitrine stratégique pour l’industrie
Malgré les tensions, l’édition 2025 entend rester une vitrine de la puissance industrielle française et européenne. Airbus présentera la nouvelle version hybride de l’A320neo, et Dassault confirmera le calendrier du Rafale F5. Côté motoristes, Safran misera sur ses avancées en matière de carburants durables (SAF), tandis que de nombreuses start-up du spatial viendront présenter leurs mini-lanceurs et solutions de connectivité en orbite basse.
Le GIFAS, organisateur du salon, insiste sur « l’engagement de la filière pour une aviation plus sobre », avec une zone entière du salon consacrée aux innovations environnementales. Une position qui ne suffit pas à apaiser les critiques. Pour les opposants, le Salon du Bourget incarne un modèle industriel à bout de souffle.
Le gouvernement, lui, soutient sans ambiguïté la tenue de l’événement. Emmanuel Macron est attendu lundi pour une visite officielle. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’exprimera mardi sur les projets industriels conjoints avec l’Allemagne et l’Italie. À l’ombre des avions de chasse, les lignes de fracture politiques seront, cette année, plus visibles que jamais.