Le couperet est tombé. Après trois années d’un scandale qui a profondément fracturé la vie politique stéphanoise, Gaël Perdriau a été condamné lundi à quatre ans de prison ferme, un an avec sursis et cinq ans d’inéligibilité. La décision, assortie d’un mandat de dépôt différé, lui retire immédiatement ses fonctions de maire et de président de Saint-Étienne Métropole. Si l’édile annonce son intention de faire appel, la sanction s’applique dès la notification du jugement.
Le tribunal a retenu l’« extrême gravité » des faits commis, rappelant qu’en tant qu’élu il disposait d’un « devoir d’exemplarité ». L’affaire portait sur le chantage exercé contre son ancien premier adjoint, Gilles Artigues, filmé à son insu dans une chambre d’hôtel et maintenu sous pression pendant plusieurs années grâce à des fonds publics détournés. La décision met fin à un procès marqué par les dénégations continues de l’intéressé et les révélations de ses anciens proches collaborateurs.
Un dossier qualifié d’« écœurant, abject, infâme » par le ministère public
Au terme d’un procès fleuve, la procureure Audrey Quey avait requis cinq ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, ainsi que 50 000 euros d’amende. Elle avait décrit un système « de caractère mafieux », organisé autour d’un trio composé du maire, de son directeur de cabinet Pierre Gauttieri et de son adjoint Samy Kéfi-Jérôme, rejoints par l’instigateur du piège, Gilles Rossary-Lenglet. Des associations avaient servi de relais au versement de subventions destinées à financer l’opération de chantage.
Si certains prévenus ont reconnu leur rôle, Gaël Perdriau s’est arc-bouté sur une stratégie de dénégation totale. « Il est le seul à nier l’évidence », avait insisté la procureure, jugeant qu’il conservait sa capacité à « récidiver » tant qu’il demeurait en fonctions. Les juges lyonnais ont validé l’essentiel de l’analyse du parquet.
Autour du maire, les peines prononcées sont lourdes : quatre ans de prison dont un avec sursis pour Samy Kéfi-Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet, assortis de 40 000 euros d’amende ; quatre ans dont deux avec sursis pour l’ex-directeur de cabinet Pierre Gauttieri. Tous ont fait l’objet d’un mandat de dépôt différé.
Un enregistrement clé et une défense fragilisée
L’un des tournants du procès tient à la diffusion d’un enregistrement audio où l’on entend Gaël Perdriau évoquer la possible diffusion de la vidéo « en petits cercles ». Une phrase que son avocat, Me Jean-Félix Luciani, a tenté de minimiser en parlant de « menace mais pas de chantage ». Les juges n’ont pas retenu cette argumentation.
L’élu affirmait n’avoir jamais vu la vidéo et ne jamais avoir donné son aval au piège. « Comme si clamer son innocence était puni par le Code pénal », ont plaidé ses défenseurs, dénonçant un dossier « monté contre lui ». En face, les avocats de Gilles Artigues ont décrit les dix années de pression psychologique subies par l’ancien premier adjoint. « Les Stéphanois connaissent désormais la vérité des faits », a réagi ce dernier après le jugement.
Pour les juges, la position hiérarchique du maire et son inertie face au chantage ont suffi à établir sa responsabilité. « Il était celui qui avait le pouvoir que tout s’arrête », a rappelé la présidente en prononçant la peine.
Une ville qui doit élire en urgence un nouveau maire
L’exécution provisoire retire immédiatement à Gaël Perdriau l’ensemble de ses mandats. Conformément au Code général des collectivités territoriales, la préfète doit notifier sans délai un arrêté de démission d’office. À Saint-Étienne, le premier adjoint, Jean-Pierre Berger, dispose désormais de quinze jours pour convoquer un conseil municipal chargé d’élire un nouveau maire, ainsi que l’ensemble de l’équipe exécutive. Aucune élection directe des habitants n’est prévue : le vote se déroule au sein du conseil, à bulletin secret.
La Métropole devra également procéder à l’élection d’un nouveau président. Dans les deux assemblées, tous les élus, majorité comme opposition, peuvent se porter candidats. Mais la majorité municipale, qui compte 32 sièges sur 59, devrait conserver l’avantage, sauf renversement interne.
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Le nouveau maire n’exercera que quelques mois : les élections municipales sont prévues en mars 2026. La condamnation de Gaël Perdriau recompose d’ores et déjà le paysage politique local, où plusieurs partis préparent une candidature commune pour tourner la page d’un mandat marqué par le scandale.
« Une décision incompréhensible », affirme Perdriau, qui annonce faire appel
À la sortie du tribunal, Gaël Perdriau est resté brièvement devant la presse, dénonçant une « décision incompréhensible » et confirmant qu’il saisirait la cour d’appel. Une démarche sans effet sur son éviction immédiate des fonctions municipales.
Gilles Rossary-Lenglet, l’instigateur du complot mais aussi celui qui l’a révélé, dit pour sa part être « soulagé » de voir le tribunal valider sa version. Quant à Gilles Artigues, il évoque la fin d’un cauchemar : « J’espère que l’on pourra tourner la page. »


