L’Assemblée nationale a franchi une nouvelle étape dans l’examen du projet de loi sur la fin de vie. Vendredi 11 avril, en commission spéciale, les députés ont adopté un amendement majeur qui autorise désormais les patients à choisir entre l’auto-administration d’une substance létale ou son administration par un professionnel de santé. Cette évolution marque un tournant significatif dans le débat sur l’aide à mourir en France.
Proposé par Élise Leboucher, députée de La France insoumise (Sarthe), l’amendement modifie le texte initial qui limitait l’administration par un tiers aux seuls cas où le patient était physiquement incapable de s’administrer le produit. Désormais, le choix revient pleinement au patient, qu’il soit en mesure ou non d’effectuer le geste lui-même. Le rapporteur du texte, Olivier Falorni (MoDem, Charente-Maritime), a exprimé une position de « sagesse », estimant que cette modification ne bouleversait pas l’équilibre du projet de loi.
Un changement « tout sauf anodin »
Cependant, cette avancée n’est pas sans susciter des inquiétudes. Patrick Hetzel, député Les Républicains du Bas-Rhin, a dénoncé un changement « tout sauf anodin ». Selon lui, « on est dans un encadrement juridique qui n’est plus de même nature » et le texte s’apparente désormais à « un texte de suicide assisté et d’euthanasie, et non plus de suicide assisté et d’exception euthanasique dans un certain nombre de cas limités ». Il s’est ainsi inquiété d’une remise en cause de « l’équilibre » du texte.
Ce débat s’inscrit dans un contexte plus large de réforme du cadre législatif sur la fin de vie en France. Depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès, le pays n’avait pas connu de modification majeure en la matière. En 2023, une Convention citoyenne sur la fin de vie, réunissant 150 citoyens tirés au sort, s’était prononcée à 75,6 % en faveur d’une évolution du droit vers une aide active à mourir .
Cinq critères cumulatifs pour accéder à l’aide à mourir
Le projet de loi en cours d’examen prévoit cinq critères cumulatifs pour accéder à l’aide à mourir : être majeur, de nationalité française ou résident stable, capable de discernement, atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale, et éprouver des souffrances réfractaires. Les débats en commission ont déjà conduit à des ajustements, notamment la suppression de l’obligation d’un pronostic vital à court ou moyen terme, remplacée par la notion de « pronostic vital engagé ».
Par ailleurs, les députés ont rejeté des amendements visant à autoriser l’aide à mourir sur la base de directives anticipées pour les patients incapables d’exprimer leur volonté au moment de la demande. Cette décision souligne la complexité du sujet et la nécessité de trouver un équilibre entre respect de la volonté individuelle et garanties éthiques.
Le projet de loi comprend également un volet sur le développement des soins palliatifs, avec une enveloppe budgétaire de 1,1 milliard d’euros prévue d’ici à 2034. Ce financement vise à renforcer l’accompagnement des patients en fin de vie et à garantir un accès équitable aux soins sur l’ensemble du territoire .
Alors que les discussions se poursuivent, le gouvernement espère parvenir à un consensus sur ce texte sensible, qui touche à des questions fondamentales de dignité, de liberté et de solidarité. Le vote solennel à l’Assemblée nationale est attendu dans les prochaines semaines.