Mercredi 15 octobre, en fin d’après-midi, une centaine d’étudiants s’étaient réunis dans un amphithéâtre de l’université Paris-8, à Saint-Denis, pour un « rassemblement de soutien au peuple palestinien ». L’événement, autorisé par l’établissement, devait initialement donner lieu à un débat sur la situation à Gaza. Mais au fil des prises de parole, le ton a dérapé. Une intervenante a scandé « Le 7 Octobre, nous y étions prêts ! » sous les applaudissements d’une partie du public. D’autres ont refusé de condamner explicitement les attaques du Hamas contre Israël.
Des vidéos tournées par des participants ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux. On y voit plusieurs slogans assimilant les combattants du Hamas à des « résistants ». Certains propos, clairement enregistrés, évoquent « la légitimité de la lutte armée ». Ces extraits ont provoqué un tollé politique immédiat. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a dénoncé « une dérive inacceptable » et convoqué en urgence le président de l’université, Carlos Gildas, pour « expliquer les manquements de son établissement ».
Une enquête judiciaire ouverte pour apologie du terrorisme
Le parquet de Bobigny a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « apologie d’actes terroristes » et « provocation à la haine ». Les policiers de la direction territoriale de la sécurité de proximité de la Seine-Saint-Denis ont été chargés d’identifier les auteurs des déclarations. Des témoins, étudiants et enseignants, ont déjà été entendus.
L’université Paris-8 a, de son côté, publié un communiqué dans la nuit, affirmant avoir « pris connaissance de propos d’une extrême gravité » et annoncé l’ouverture d’une procédure disciplinaire. La direction précise qu’aucune autorisation n’avait été donnée pour des interventions politiques en lien avec des organisations extérieures au campus.
Le ministère de l’Intérieur suit également le dossier. Des échanges ont eu lieu entre les services de la préfecture et ceux du rectorat afin d’évaluer les risques de nouveaux rassemblements. Plusieurs syndicats étudiants réclament des sanctions immédiates contre les organisateurs. D’autres, au contraire, dénoncent une « instrumentalisation politique » et défendent la liberté d’expression sur les campus.
Un climat tendu dans l’enseignement supérieur
Ce nouvel incident intervient dans un contexte de fortes tensions dans les universités. Depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, à l’automne 2023, plusieurs établissements ont été le théâtre de manifestations parfois violentes. À Paris-8, des affrontements avaient déjà opposé étudiants pro-palestiniens et associations juives lors d’un débat au printemps dernier.
La direction de l’établissement, longtemps perçue comme tolérante vis-à-vis des mobilisations étudiantes, est aujourd’hui sous pression. Le ministre Philippe Baptiste a évoqué « une faillite de la vigilance » et demandé un audit de la gestion des événements internes. Selon une source proche du ministère, les universités devront désormais signaler en amont toute réunion à caractère politique susceptible de générer des troubles à l’ordre public.
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Pour les enseignants, l’affaire soulève une question plus large : celle des limites de la liberté académique. Certains redoutent que l’intervention directe du ministère crée un précédent. D’autres jugent au contraire nécessaire de rappeler que les campus « ne sont pas des zones de non-droit ».
Des réactions politiques en chaîne
À l’Assemblée nationale, plusieurs élus ont appelé à une réponse ferme. « L’apologie du terrorisme ne saurait se cacher derrière un discours militant », a déclaré la députée Renaissance Élodie Jacquart. Le Rassemblement national a réclamé la suspension immédiate des étudiants impliqués. À gauche, les positions sont plus nuancées : certains responsables de La France insoumise ont critiqué « une chasse aux sorcières idéologique », tout en condamnant « toute glorification d’actes meurtriers ».
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L’université Paris-8, héritière du centre expérimental de Vincennes né après Mai 68, a toujours été un lieu d’effervescence politique. Mais rarement un rassemblement aura déclenché une telle onde de choc. La convocation du président de l’établissement, prévue ce soir au ministère, devrait aboutir à des mesures disciplinaires et à un rappel à l’ordre formel. En attendant, la direction a suspendu toutes les réunions étudiantes à caractère militant jusqu’à nouvel ordre, le temps de « rétablir un climat serein » sur le campus.


