Le policier de Bobigny remis en liberté après seize mois de détention provisoire

Incarcéré depuis juin 2024 pour la mort d’Amar Slimani, un Algérien sans papiers tué par balles à Bobigny, le jeune fonctionnaire a été remis en liberté lundi soir. Il reste placé sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès.

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Eric G

Seize mois après les faits, Éric G., le policier mis en examen pour homicide volontaire, a retrouvé l’air libre. La cour d’appel de Paris a confirmé, lundi 3 novembre, la décision du juge des libertés et de la détention d’ordonner sa remise en liberté, malgré l’opposition du parquet. Le fonctionnaire de 26 ans, incarcéré depuis l’été 2024, a été accueilli à sa sortie de prison par ses parents, émus aux larmes.
« Ces seize mois auront été terribles pour ce jeune homme qui sort brisé de cette expérience », a réagi son avocat, Me Laurent-Franck Liénard. Le policier reste sous contrôle judiciaire et doit résider temporairement hors de la Seine-Saint-Denis, dans le cadre d’une assignation à résidence.

Un drame sur fond de versions contradictoires

Les faits remontent au 29 juin 2024. Ce matin-là, Éric G., alors hors service, se rend au domicile de sa grand-mère à Bobigny après qu’elle a signalé des bruits suspects dans son garage. Sur place, il découvre Amar Slimani, un ressortissant algérien de 32 ans, en situation irrégulière. Selon la version du policier, il aurait été poursuivi et menacé par l’homme avant de faire usage de son arme de service, tirant à sept reprises.
Amar Slimani est mort sur le coup, atteint de plusieurs balles dans le thorax, le dos et la tête. Le policier a immédiatement invoqué la légitime défense, affirmant avoir craint pour sa vie.

Mais cette version est contestée par la famille de la victime, représentée par Me Yassine Bouzrou, qui évoque un « crime raciste ». Selon lui, les conclusions de la reconstitution menée en septembre 2025 « ont démontré les nombreux mensonges du policier ». L’avocat assure qu’Amar Slimani n’était pas un squatteur, mais un travailleur clandestin qui effectuait des petits travaux pour la grand-mère du policier, laquelle l’autorisait parfois à dormir dans la dépendance.

Une affaire à forte charge symbolique

Dès l’été 2024, le drame avait provoqué de vives réactions dans les rangs policiers, plusieurs syndicats dénonçant la mise en détention du fonctionnaire. L’ex-commissaire de police et député européen Matthieu Valet (Rassemblement national) a salué lundi soir sa libération : « Aujourd’hui, Éric peut enfin retrouver un peu d’air, de lumière, de dignité. »
Dans le camp opposé, les soutiens d’Amar Slimani dénoncent « une justice à deux vitesses ». La famille du défunt rappelle qu’aucun procès n’a encore été fixé et que le policier reste mis en examen pour homicide volontaire.

L’émotion demeure vive à Bobigny. Quinze mois après la mort du jeune Algérien, plusieurs collectifs continuent de réclamer la vérité. « Nous voulons que le procès se tienne et que toute la lumière soit faite sur les circonstances de la mort d’Amar », répète Me Bouzrou.

Une liberté sous condition avant un procès sous tension

La libération d’Éric G. ne met donc pas fin à la procédure. Le policier reste placé sous contrôle judiciaire strict, avec interdiction de porter une arme et d’entrer en contact avec les témoins du dossier.
L’information judiciaire, ouverte pour homicide volontaire, se poursuit. Selon une source proche du dossier, le juge d’instruction devrait clôturer son enquête dans les prochains mois. Le procès, très attendu, s’annonce particulièrement sensible dans un climat de méfiance persistante entre la police et une partie de la population.

Pour l’heure, la famille Slimani réclame justice. Celle du policier, elle, évoque un soulagement après seize mois de silence et d’attente. Entre les deux, la justice devra trancher : accident tragique ou usage disproportionné de la force ?

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