52 % des hommes ont déjà été pénétrés : le sexe anal sort du tabou

Pour la première fois, plus d’un homme sur deux admet avoir déjà été pénétré analement. Loin du simple effet de mode, cette banalisation interroge la virilité, le consentement et l’économie du plaisir, à l’heure où les sextoys s’imposent dans la vie intime des Français.

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Photo : LELO

La France n’a plus honte de parler de son plaisir. Selon une étude Ifop publiée début novembre, plus d’un homme sur deux (52 %) a déjà été pénétré analement au cours de sa vie, et trois femmes sur dix (30 %) ont déjà pénétré un partenaire. Des chiffres impensables il y a encore dix ans, qui traduisent une transformation silencieuse des rapports au corps. Cette mutation accompagne un autre phénomène : l’explosion du marché des sextoys, désormais estimé à 9 milliards d’euros en Europe.

Le tabou masculin, un frein sanitaire persistant

L’enquête montre combien la virilité reste prisonnière de ses représentations. À peine 51 % des hommes accepteraient un dépistage du cancer colorectal par toucher rectal, et ce chiffre tombe à 32 % chez ceux n’ayant jamais eu de rapport anal. « La honte du geste médical traduit un malaise culturel profond », observe François Kraus, directeur du pôle Genre et sexualités de l’Ifop. « Certains continuent d’associer la pénétration à une perte de contrôle. »

Près de quatre hommes sur dix considèrent encore qu’être pénétré est une atteinte à leur masculinité, et un sur quatre qu’un “vrai homme” ne devrait jamais se laisser faire. Ce rejet, surtout présent dans les milieux religieux ou conservateurs, se double d’un enjeu de santé publique : la peur du toucher médical éloigne des milliers d’hommes du dépistage colorectal, deuxième cause de mortalité par cancer chez eux.

La banalisation d’un plaisir longtemps tabou

Derrière le tabou, la banalisation progresse. Pour la première fois, la proportion d’hommes ayant expérimenté une pénétration anale rattrape celle des femmes (52 % contre 62 %). Et 20 % des personnes interrogées déclarent avoir eu une pratique anale lors de leur dernier rapport sexuel. Chez les plus jeunes, cette ouverture s’inscrit dans un rapport décomplexé au corps : 42 % des hommes de 18 à 29 ans ont déjà été pénétrés analement.

Cette évolution va de pair avec la diffusion des sextoys. L’étude Ifop-LELO montre que 14 % des hommes ont déjà été pénétrés avec un sextoy et que 28 % en ont utilisé un sur leur partenaire. Plus de la moitié des utilisateurs de sextoys anaux (51 %) se décrivent comme « déconstruits », contre 36 % des non-utilisateurs. Le plaisir prostatique devient un symbole de réappropriation du corps masculin : il traduit autant la recherche de sensations que la remise en cause du modèle viriliste.

L’autonomie féminine, entre émancipation et pression

Chez les femmes, la pratique anale change aussi de sens. Trois sur dix affirment avoir déjà pénétré leur partenaire, contre 14 % en 2017. Une progression fulgurante qui s’observe surtout chez les cadres et dirigeantes : 45 % d’entre elles déclarent l’avoir fait, contre 28 % des employées. Le sextoy devient un instrument d’égalité : il renverse la symbolique de la pénétration et redonne à la femme un rôle actif.

Mais cette libération se heurte à une autre réalité. Moins de la moitié des Françaises (45 %) souhaitaient vraiment leur première sodomie, et 39 % disent l’avoir acceptée pour faire plaisir à leur partenaire. Deux sur trois ont ressenti des douleurs importantes. « Le plaisir féminin reste souvent négocié », souligne la sexologue Camille Guerfi. « Entre désir et pression, l’anal féminin reste traversé par les rapports de pouvoir. »

Une révolution intime et industrielle

L’essor des sextoys accompagne cette mutation. Jadis cantonnés à la sphère clandestine, ils s’imposent dans les foyers, les pharmacies et les réseaux sociaux. En France, une personne sur deux en aurait déjà utilisé un, selon l’Ifop. Et le marché mondial du bien-être sexuel, tiré par des marques comme LELO ou Womanizer, pourrait dépasser les 20 milliards d’euros d’ici 2030.

Cette démocratisation s’inscrit dans un mouvement plus large : celui d’une sexualité plus réciproque, moins genrée, mais encore inégalement assumée. La diffusion des sextoys, l’exploration anale et la visibilité accrue des discours autour du plaisir ne traduisent pas seulement une libération des mœurs ; ils racontent une société où le corps devient un champ de bataille culturel, entre liberté, santé et égalité.

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Après des études en Affaires Publiques et à HEC Montréal, Timothé devient journaliste pigiste. Il collabore avec de nombreux médias français depuis Montréal.
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