Messe en hommage à Pétain : une enquête ouverte à Verdun, la classe politique vent debout

Une cérémonie organisée samedi à Verdun pour honorer la mémoire de Philippe Pétain a déclenché une onde de choc politique et judiciaire. Après des propos révisionnistes tenus à la sortie de l’office, le parquet a ouvert une enquête pour contestation de crime contre l’humanité.

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La justice a indiqué lundi 17 novembre 2025 avoir ouvert une enquête après la messe en mémoire du maréchal Pétain qui s’est déroulée le samedi à l’église Saint-Jean-Baptiste de Verdun. Jean-Noël PORTMANN / PHOTO PQR/L’EST REPUBLICAIN/MAXPP
La justice a indiqué lundi 17 novembre 2025 avoir ouvert une enquête après la messe en mémoire du maréchal Pétain qui s’est déroulée le samedi à l’église Saint-Jean-Baptiste de Verdun. Jean-Noël PORTMANN / PHOTO PQR/L’EST REPUBLICAIN/MAXPP

La messe n’aurait jamais dû avoir lieu. Le maire de Verdun, Samuel Hazard, avait pris un arrêté pour interdire cet hommage à Philippe Pétain, frappé d’indignité nationale en 1945. Mais le tribunal administratif de Nancy a retoqué sa décision vendredi, autorisant l’Association pour la défense de la mémoire du maréchal Pétain (ADMP) à organiser l’office religieux dans l’église Saint-Jean-Baptiste. Samedi matin, une vingtaine de fidèles se sont présentés, accueillis par une centaine de manifestants déterminés à faire entendre leur opposition.

La polémique a explosé à la sortie de la messe. Jacques Boncompain, président de l’ADMP, a affirmé devant des journalistes que Philippe Pétain avait été « le premier résistant de France ». Une déclaration immédiatement jugée révisionniste par le préfet de la Meuse, Xavier Delarue, qui a annoncé un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Lundi, la procureure de Verdun, Delphine Moncuit, a confirmé l’ouverture d’une enquête visant Jacques Boncompain ainsi que le prêtre célébrant la messe, Gautier Luquin, 31 ans. Ce dernier est notamment suspecté de « provocation par ministre du culte à la résistance à l’exécution des lois ou actes de l’autorité publique ».

Une enquête susceptible d’entraîner la dissolution de l’association

Le parquet indique que la procédure porte sur « contestation publique de l’existence de crime contre l’humanité commis durant la Seconde Guerre mondiale » et sur « la tenue d’une réunion politique dans un local servant habituellement à l’exercice d’un culte ». La préfecture de la Meuse confirme que la dissolution éventuelle de l’ADMP est désormais « une perspective », relevant du ministère de l’Intérieur.

En 2022 déjà, l’association avait organisé un hommage à l’Ossuaire de Douaumont. Samedi, elle avait obtenu de l’archevêque-évêque de Metz une autorisation écrite pour célébrer une messe « pour le repos de l’âme du maréchal Pétain et des victimes de toutes les guerres ». Une décision qui a profondément ulcéré le maire de Verdun, rappelant que sa ville « martyre » ne saurait accueillir une cérémonie célébrant « l’antithèse de l’Humanité ».

Bardella, Bregeon, Nuñez : indignation unanime

Les réactions politiques se sont multipliées tout le week-end. Invité sur BFM TV, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a dénoncé un événement « révoltant », saluant la plainte déposée par le préfet. « Personne ne comprend ce qu’il s’est passé », a-t-elle insisté, estimant que cette procédure pourrait « faire jurisprudence ».

Sur France 3, Jordan Bardella s’est dit lui aussi « mal à l’aise », affirmant soutenir « la démarche judiciaire » engagée par les autorités. « Je ne savais pas qu’il y ait encore des messes pour le maréchal Pétain », a déclaré le président du Rassemblement national, jugeant les propos entendus samedi « inadmissibles ».

Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a pour sa part rappelé que toute tentative de réhabilitation d’une figure « liée à la collaboration et à l’oppression » devait être fermement combattue, assurant son soutien au maire de Verdun et au préfet.

Le Crif évoque une « injure » aux déportés

Sur X, le président du Crif, Yonathan Arfi, a parlé d’une « injure à la mémoire des 76 000 déportés juifs de France ». Pour lui, célébrer une messe pour Pétain revient à « réhabiliter un traître à la patrie » et à « faire l’apologie de la collaboration ».

Devant l’église Saint-Jean-Baptiste, les manifestants venus samedi ont exprimé la même colère. « Catho pas facho », pouvait-on lire sur les pancartes. Mariette Descamps, paroissienne, dit être « profondément heurtée ». Le maire Samuel Hazard parle quant à lui d’un événement « pas possible dans la ville de Verdun », rappelant « toutes les victimes de la barbarie nazie et de la révolution nationale ».

Une bataille mémorielle et juridique

Surnommé « vainqueur de Verdun » en 1916, Philippe Pétain demeure l’une des figures les plus controversées de l’histoire française. Chef du régime de Vichy en 1940, condamné à mort en 1945 pour haute trahison, peine ensuite commuée en détention à perpétuité, il reste juridiquement et politiquement associé à la collaboration d’État.

Les propos révisionnistes, eux, sont punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’enquête ouverte pourrait donc aboutir à des poursuites pénales, mais aussi à un débat plus large sur la place de ces hommages dans l’espace public et religieux.

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