Van der Poel, maître de l’Enfer

Il fallait un champion pour écrire une page d’histoire dans le Vélodrome de Roubaix. Mathieu van der Poel l’a fait, encore une fois. Le Néerlandais s’impose en solitaire dans l’Enfer du Nord pour la troisième année consécutive, égalant Moser et Lapize dans la légende. Un triplé de géant, conquis au terme d’un bras de fer magistral avec Tadej Pogacar, renversant mais trahi par une chute.

Le duel annoncé n’a pas déçu. Dès les premiers pavés, la tension est montée d’un cran. Les corps s’endurcissent, les visages se figent. Van der Poel est là. Pogacar aussi. Philipsen, Pedersen, Ganna : tous les grands noms veulent leur part de gloire. Mais sur Paris-Roubaix, ce sont les jambes — et la chance — qui décident.

Arenberg, l’accélération

C’est dans la mythique Trouée d’Arenberg que le ton a été donné. À 95 kilomètres de l’arrivée, Pogacar accélère le premier. Van der Poel saute dans sa roue. Pedersen s’accroche, les autres explosent. Dans le sillage, les échappés matinaux sont avalés sans ménagement.

Le tempo ne faiblit pas. À Mons-en-Pévèle, secteur cinq étoiles, la sélection s’opère. Philipsen lâche prise, Bissegger saute, Pedersen crève. Le duo Van der Poel – Pogacar se retrouve seul à l’avant, à 45 km de la ligne. Deux styles, deux palmarès, une ambition commune : marquer l’histoire.

Le virage de Pont-Thibault

Mais la course bascule brutalement. Sur le secteur de Pont-Thibault à Ennevelin, à 38 km du terme, Pogacar glisse. Il se relève vite, mais doit réajuster son dérailleur. Van der Poel ne se retourne pas. L’écart monte à 20 secondes. Le mano a mano s’engage.

Malgré un vélo changé à 21 kilomètres de l’arrivée, Pogacar ne reverra jamais la roue du Néerlandais. « J’ai tout donné, mais quand vous avez Van der Poel devant vous, même 15 secondes, c’est un gouffre », confiera-t-il, lucide, à l’arrivée.

Le roi des pavés

Dans le Vélodrome, Van der Poel prend le temps de savourer. Il embrasse le ciel, les bras levés, avant de franchir la ligne avec 1’18 d’avance. Derrière lui, Pogacar salue le public, épuisé mais fier. Pedersen complète le podium (+2’11’’), devant Van Aert et Vermeersch.

Avec cette nouvelle victoire, Van der Poel rejoint les immortels. Trois victoires d’affilée à Roubaix, comme Francesco Moser entre 1978 et 1980. Un triplé qui confirme son emprise sur les classiques et sa capacité à briller sur tous les terrains. « Je vis pour ce genre de course », a-t-il soufflé, couvert de poussière et de gloire.