Après avoir détruit l’Irak, Tony Blair rêve de diriger Gaza

L’ancien Premier ministre britannique, pressenti pour diriger une autorité transitoire à Gaza, traîne derrière lui un passif qui en fait, aux yeux de nombreux Palestiniens, un médiateur disqualifié.

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Tony Blair, ici aux côtés de George W. Bush, reste marqué par son soutien à l’invasion de l’Irak en 2003.
Tony Blair, ici aux côtés de George W. Bush, reste marqué par son soutien à l’invasion de l’Irak en 2003.

À Washington et à Londres, certains le présentent comme un recours. À Gaza, son nom sonne comme une provocation. Tony Blair, 72 ans, est pressenti pour prendre la tête d’une future instance internationale chargée de gouverner l’enclave palestinienne après un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Le Daily Telegraph affirmait sans détour que « Sir Tony veut diriger Gaza une fois la guerre terminée ». Une hypothèse qui alarme déjà de nombreux responsables palestiniens, rappelant à la fois l’histoire coloniale britannique et le rôle désastreux de l’ancien Premier ministre dans la guerre en Irak.

« Il est absolument inacceptable que Tony Blair prenne la tête d’une autorité de transition à Gaza. Nous n’avons pas besoin d’un dirigeant venu d’une ex-puissance coloniale », a dénoncé Mustafa Barghouti, figure de l’Initiative nationale palestinienne, sur la BBC. « Blair a une très mauvaise réputation liée à la guerre en Irak. Et nous ne lui faisons pas confiance : s’il prend le job, il ne travaillera que pour les Israéliens ». Dans un entretien au Washington Post, le même Barghouti a ajouté : « Nous avons déjà subi le colonialisme britannique et, quand on évoque Tony Blair, la première chose qui vient à l’esprit des gens, c’est la guerre en Irak ».

Tony Blair : l’ombre de l’Irak et l’échec du Quartet

Car l’ancien leader travailliste reste indissociable de l’invasion de 2003. « Épaule contre épaule » avec George W. Bush, il avait engagé son pays dans un conflit déclenché au nom de fausses armes de destruction massive. Plus de 100 000 Irakiens sont morts, près de 200 militaires britanniques ont péri, et l’enquête Chilcot de 2016 a dressé un constat accablant : décisions précipitées, avertissements ignorés, cercle restreint de conseillers. Blair avait exprimé son « chagrin » et ses « excuses », mais son image en est restée durablement ternie.

Ses soutiens rappellent son expérience d’envoyé spécial du Quartet au Proche-Orient entre 2007 et 2015. Mais ce mandat s’est soldé par un échec : huit années de navettes diplomatiques, sans avancée notable. Le Guardian rappelait en 2015 que les Palestiniens, d’abord favorables, avaient fini par lui reprocher sa proximité avec Israël. Un diplomate européen confiait alors que Blair « a passé plus de temps à cultiver son carnet d’adresses qu’à défendre la cause palestinienne ».

Des projets économiques vus comme néocoloniaux

Depuis son départ de Downing Street, Blair a transformé sa notoriété en influence à travers son Tony Blair Institute for Global Change, financé à coups de centaines de millions de dollars par Larry Ellison, le patron d’Oracle. L’institut a même travaillé sur des projets économiques à Gaza : une « riviera » côtière, une zone industrielle au nom d’Elon Musk. Autant d’initiatives perçues comme des opérations de communication néocoloniales, déconnectées d’un territoire ravagé par la guerre et menacé de famine.

Donald Trump et une partie de ses conseillers voient en Blair un profil « rassurant » pour piloter une transition sous mandat international. Mais pour les Palestiniens, le message est clair : l’homme de l’Irak, du Quartet sans résultats et des liaisons troubles avec les milieux d’affaires n’incarne ni la paix ni la reconstruction. À leurs yeux, sa nomination serait une nouvelle ingérence étrangère, plus qu’une solution.

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